« I'm just normal. »

« La première fois que tes paupières se soulevèrent, ce ne fut que pour admirer la famille dans laquelle tu étais née. Toi, Madelynn Sky O'Connell, tu n'étais entourée que de personnes aimantes. Ton père, Bill, travaillait en tant que fermier et commercialisait sa marijana pour boucler les fins de mois. Ta mère, Myra, bossait dans un drive-in en tant que serveuse. Bien sûr, vous n'étiez pas bien riches mais le bonheur suintait de cœur de chacun d'entre vous. Les repas, le soir, se passaient dans la joie et la bonne humeur, les rires s'élevant à la même allure que le fumet des aliments. Bill et Myra... Ils avaient eu deux beaux enfants. Un garçon du nom de Travis, et toi. Ton grand-frère adoré. Tes parents étaient vraiment très aimants, vous offrant tout ce qu'ils pouvaient. Ils ne voulaient que votre bonheur. Lorsque tu rentrais de l'école, sous les prémices du crépuscule, ce n'était que pour mieux t'asseoir au coin du feu et écouter le son mélodique qui provenait de la guitare de ton père. Ce dernier avait prit l'habitude, avant le repas, de te jouer un morceau. Un joint roulé se coinçant entre ses lèvres fines sur lequel il soufflait entre deux morceaux. Son regard devenait vitreux petit à petit, mais tu l'aimais ainsi. Cela effaçait l'amertume causée par la journée éreintante, vous laissant un patriarche drôle et aimant.

Après le dîner, il t'apprenait à tenir la guitare dans tes petites mains enfantines, et te partageait le fruit de son imagination : Ses chansons. Travis vous enviaient. Ton père ne lui accordait que rarement le même intérêt. Il ne faisait aucun doute qu'un gouffre vous séparait. Pourtant, lorsque tu le voyais, tu ne faisais que lui sauter dans les bras et réclamer son attention. Et il y répondait, se jouant de toi, aveugle et candide petite fille. L'ambiance était hippie chez vous. Entre la marijane et la guitare, il aurait été étrange de se penser capitaliste ou républicain. Si ton éducation était lourdement pesée et admirablement bien construite, tes parents restaient incroyablement ancrés dans l'ambiance "Peace & love", t'inculquant des principes fondamentaux et t'apprenant surtout à être libre, avec quelques limites. Tout était parfait. Le bonheur à l'état pur. Tu oscillais entre ta demeure familiale et l'école, apprenant à devenir une demoiselle instruite. Si tu avais su que tout changerait ainsi, tu aurais agis autrement. Et encore aujourd'hui, tu n'étais qu'amère de ne pas avoir pu prévoir cet évènement. »

« Ohhh... Poor little girl. »

« 11 ans. De bonheur, de vie. 11 ans. De rêves et de chimères. De duperies. 11 ans. D'amoncellement de croyances, de certitudes. 11 ans, brisés en éclats.

Le jour de ton anniversaire était pluvieux et froid. Tu regardais pas la fenêtre les gouttelettes hydralines léchant les vitres pour tomber sur le sol terreux. Ce jour qui resterait ancré dans ton esprit comme un harpon. Des zébrures se faisaient sentir dans le ciel assombri, des bruits tonitruants parvenant jusqu'à vos oreilles. Les Dieux n'étaient pas contents. Un mauvais présage s'annonçait. Ton paternel rentrait, ses bottes boueuses laissant un sillon marronnasse dans leur passage. La chaleur rougit ses joues grassouillettes. Sa main cachait celle de ta mère, qui arrivait en même temps. Ses longs cheveux blonds étaient coiffés en un chignon soigné lui donnant un air de lady. Vous vous installâmes autour du feu que ta mère s'était empressé d'allumer, y versant la soupe de la veille pour la réchauffer et vous remplir l'estomac. Un éclair zébra le ciel dans un fracas assourdissant, vous faisant sursauter. Travis manquait à l'appel. Il n'allait pas tarder à rentrer, tu en étais persuadée... La pendule affichait alors dix-neuf heure, le coq relié à sa chaîne balançant d'un côté à l'autre. Ton regard était rivé sur son balancement et sur les aiguilles qui bougeaient trop lentement à ton goût. La peur commençait déjà à te tordre l'estomac. Vingt heure sonna, et ton père se décida à rompre le silence pesant qui persistait entre vous.

« Je parie qu'il s'est encore égaré ! »

Il ricana. Néanmoins, tu le connaissais assez pour dire qu'il sonnait faux et qu'il semblait amer. Travis n'était pas un garçon facile à vivre, pourtant, vous l'aimiez tous. Bill ajouta, de sa voix bourrue et rauque :

« Il connait le chemin. Ne vous en faîtes pas. Il a sans doute eu plus de travail à fournir aujourd'hui. »

Toi et ta mère hochâtes la tête d'un même mouvement. Vous vous étiez mis à table il y a déjà quelques lourdes minutes et les cuillères raclaient les bols dans un bruit sinistre. Le stress semblait présent dans le cœur de chacun d'entre vous. Vous redoutiez un malheur. Travis ne rentrait jamais tard. Tu te souvenais de son visage souriant avec difficulté, les sanglots te nouant la gorge. Tu imaginais le pire. Tu voyais déjà, le lendemain dans les journaux, les mots noirs sur blancs clamant la mort d'un jeune homme, jeté dans un faussée ou la gorge arrachée, couvert de sang. Le texte serait joint d'une photo de ton frère, souriant, alors qu'il ne serait plus qu'un souvenir. Mais tu luttais pour ne pas laisser la détresse s'instaurer dans tes prunelles émeraudes. Soudain, des coups lourdement tapés contre la porte boisée se firent entendre. Vous vous levâtes tous comme un seul homme avant que ton père ne se dirige vers l'ouverture. Un énième éclair frappa, tout proche. Tu avais l'impression de te trouver dans un de ces films d'horreur que vous visionniez les vendredi 13 et le soir d'Halloween. L'embrasure s'ouvrit sur Travis. Des goûtes tombaient de ses cheveux aplatis sur son crâne et un air maussade couvrait son minois.

« Bon sang Travis. Où étais-tu ? Nous nous sommes fais un sang d'encre. »

« Écoutes ton père Travis. Il aurait été préférable que tu nous donnes des nouvelles... Nous étions très inquiets. Avec la météo... Tu aurais pu te faire frapper par la foudre. »

S'expliquèrent tes parents. Travis ne répondit pas, s'approchant de la table d'un pas lent et bruyant. Son corps était couvert d'une substance foncée, ne faisant que renforcer l'effroi que tu ressentais déjà. Ta poupée de chiffon était posée sur tes jambes tandis que tu regardais la scène sans oser prononcer ne serait-ce qu'un seul mot. Tu la serrais doucement dans tes petites mains, résistant à l'envie de la serrer contre toi en priant pour qu'il ne vous arrive rien. Ton frère te semblait changé, et il ne respirait plus autant la joie qu'avant. Il avait beau être revenu, tu continuais d'angoisser. Des traînées noirâtres couvraient son visage. Il te faisait peur. Tu te demandais où était passé ce frère si jovial que tu aimais tant.

« Mon Dieu ! Il est tâché de sang ! Que s'est-il passé, Travis ?! »

S'écria ta mère, rompant le silence qui perdurait depuis son entrée fracassante. Ses mains vieillies par les tâches quotidiennes vinrent se poser sur les joues couvertes d'hémoglobine de son fils. Tu cessas de lutter, serrant ta poupée Stacy contre toi comme si ta vie en dépendait. Tu te replias à moitié sur toi-même, guettant les évènements et tentant de t'en protéger comme tu le pouvais. Soudainement, Travis se mit à hurler et à se débattre. Les larmes coulaient à flot sur ses pommettes saillantes. Il projeta ta mère contre le coin de la table, la laissant évanouie contre le sol. La peur te rongeait les entrailles. Les gouttelettes hydralines couraient également contre ta peau. Qu'était-il ? Qui était-il ? Telles étaient les questions qui se bousculaient dans ta tête d'enfant. Ton père se rua près de sa femme, tentant de la ramener à la vie. Ce fut un échec cuisant. Le liquide épais et rougeâtre s'écoulait rapidement de sa tête, créant une marre du liquide carmin autour de son corps chétif. Sa chevelure dorée commença à s'imprégner dans l'hémoglobine. Tu essayas de détourner les yeux, mais ils étaient accrochés à cette vision morbide. Ton cœur se serra dans ta poitrine alors que tu comprenais que ta mère était à présent morte. De la faute de Travis.

Ton père sauta au cou de son fils tandis que tu regardais sans bouger. Les larmes chutaient sans cesse sur Stacy, la laissant imbibée d'eau. Des voix perçaient le bruit des éclats de chaises ou du mobilier, mais tu ne parvenais pas à en définir la source. Un bourdonnement résonnait dans tes oreilles alors que la panique s'intensifiait dans tes vaines. Lorsqu'un corps chuta, tu retins ta respiration. Tu te levas de ta chaise pour aller voir de qui il s'agissait. A la vue de Bill, plongé dans son propre sang, un cri s'échappa de tes lèvres. Ton frère te regarda. La folie brillait dans ses yeux bleus. Il s'approcha doucement alors que tu reculais.

« Petite Madelynn va être gentille avec Travis. Madelynn n'aimerait pas dormir comme papa et maman... Hein, Madelynn ? »

Tes cris redoublèrent alors que le choc semblait passé. Tu te mis à courir dans tous les sens, dans toute la pièce, cherchant une autre issue. Il bloquait la seule porte qui pouvait mener à l'extérieur. Ton frère marchait lentement en te suivant, comme les assassins des films d'épouvante. Tu te souvins ensuite de la voie à emprunter pour te rendre dans la grange. Tu pris tes jambes à ton cou, courant sans relâche malgré la brûlure de tes poumons. Mais ta précipitation te fit butter sur les bottes de foin. Ton cœur loupa un battement. Il faisait trop noir pour que tu puisses y voir quelque chose, mais Stacy n'était plus dans tes bras. Tu ne pouvais pas partir sans elle. Tes mains tâtonnèrent autour de toi, rapides, incertaines, avec la peur que Travis n'arrive. Des griffures se dessinèrent sur ta peau d'albâtre à cause des échardes et autres choses coupantes qui régnaient dans la pièce. Des goûtes de ton sang tombèrent sur le sol. La grange était percée à quelques endroits et la pluie ruisselait sur ton minois effrayé. Les larmes ne brillaient plus. Elles s'étaient taries pour que tu puisses avancer raisonnablement, et que tu sois assez calme pour réfléchir et te sauver. Tu réprimas un cri en entendant un coup de feu. L'espoir naquit dans ton cœur. Peut-être que Travis était mort ? Qu'il avait été tué ? Mais votre maison se trouvait au milieu de nul part. C'était impossible. La vue de ton frère, armé d'un gros fusil de chasse ne fit qu'accroître cette pensée. Tu ne serais pas sauvée.

« Petite Madelynn joue à cache-cache avec Travis. C'est amusant ! Petite Madelynn doit savoir que Travis va trouver Petite Madelynn et qu'elle sera punie ! »

Un ricanement s'échappa de ses lèvres alors que les mots résonnaient en toi, s'enfonçant dans ton myocarde comme des échardes ou des coups de poignards. La foudre zébra le ciel, ne faisant que rajouter à l'aspect funeste de la chose. Le tonnerre tomba sur Travis qui hurla et se recroquevilla sur lui-même. Cela te laissa le temps nécessaire à la recherche de ta poupée, avant que tu ne t'enfuis dans les bois alentours en espérant ainsi le semer. Tu avais l'habitude de te rendre en forêt avec ton père et connaissais ses recoins par cœur. Néanmoins, l'obscurité n'aidait pas. L'éclair se faisait plus présent, suivant ta fuite, éclairant la route à prendre. Tu suivis ses traces, prenant cette aide comme une intervention divine. Les larmes perlaient toujours au coin de tes yeux, mais tu te forçais à les réprimer afin de rester lucide. L'épuisement commençait à poindre dans chacun de tes muscles, faisant ralentir tes pas. Des frissons glacés te parcouraient l'échine alors que la peur continuait de battre dans tes tempes. Tout un coup, ta course fut terminée. Un bras t'attrapa, te faisant sortir du sentier. Tu griffas et mordis ce que tu trouvas, te débattant comme une forcenée, pensant qu'il s'agissait de Travis. Néanmoins, rien ne fonctionna. Et tu étais trop faible pour continuer de te débattre. Tu finis par t'effondrer.

Tes yeux étaient encore grands ouverts mais tu ne parvenais plus à bouger. Tu ne sentais plus rien, pas même la douleur de tes poumons lorsque tu tentais de respirer. Devant tes prunelles résidait le visage d'un jeune homme plus âgé et d'une beauté irréelle. Ses yeux bleus plongèrent dans les tiens et il ne fallut qu'une fraction de seconde pour qu'un calme placide se fasse une place en ton sein. Il te porta jusqu'à un autre endroit où la pluie cesserait de se déposer sur ton minois apeuré. Tes doigts s'accrochaient à ses vêtements, cherchant en lui un moyen de te protéger. Tu te blottis contre lui, découvrant des médailles d'honneur contre son torse. Tu ne savais pas de qui il s'agissait. Mais il devait être militaire. Il n'en avait néanmoins pas l'air. Tu étais toujours persuadée qu'il n'était pas réel. Sa peau était trop blanche, trop laiteuse. Ses yeux trop bleus. Tu devais faire un rêve ou quelque chose dans le genre. Puis l'épuisement eut raison de toi, te faisant sombrer dans les abîmes du sommeil. Un sommeil sans rêve et sans cauchemar, qui te donna un peu de repos. »

« New Life. Don't remember. »

« Donnes lui encore un peu d'eau, Justin. »

« Ordonna une voix féminine alors que tes paupières papillonnaient, te soustrayant au sommeil qui persistait dans chacun de tes muscles.

« Mais je l'ai déjà fait, Man'. »

Rétorqua un garçon d'une voix agacée. Tu pensais rêver encore mais lorsque tes yeux s'ouvrirent, ton premier réflexe à la vue de ces personnes inconnues fut de t'agiter. Tu bougeas, te débattis quelques instants.

« Non ! Ne me tues pas ! »

Crias-tu, hystérique. Tes joues étaient encore légèrement humides à cause de toutes ces larmes qui s'étaient écoulées de tes prunelles effrayées. Et elles revinrent à l'attaquer, ruisselant contre tes pommettes. Ton estomac était toujours noué et ta gorge également. Néanmoins, derrière tes cils fins et blonds, et derrière ces larmes qui t'empêchaient de voir correctement, tu parvins à distinguer deux silhouettes. Travis n'en faisait pas parti. Il faisait sombre mais tu l'aurais reconnu entre milles. Et sa voix ne s'était pas élevée. Sa voix agaçante, qui te faisait frissonner rien qu'à y penser.

« Petite Maddy... Jouer à cache-cache... »

Tu mis tes mains sur tes oreilles pour que cette voix cesse de résonner dans ta tête.

« Non Travis ! Tais-toi ! »

T'époumonas-tu, sous le regard interloqué et incrédule des personnes présentes. Cependant, les voix finirent par s'estomper et tu pus remarquer, grâce à la flamme de la bougie posée non loin, les cheveux coiffés en bataille d'un garçon qui semblait avoir le même âge que toi. Tu repoussas les couvertures pour t'approcher de lui et poser une main hésitante sur sa joue. Il recula, et tu en fis de même, un cri étouffé s'échappant de tes lippes.

« Justin, laisse la. Elle cherche des repères. Elle est fatiguée. Ma pauvre chérie... »

Murmura la mère du petit garçon. Tu étais retournée sous les couvertures et elle te borda quelques instants. Tu tremblais légèrement. Tu te posais quelques centaines de questions. Comment le cauchemar était-il parvenu à cesser ? Et si tout cela n'avait été qu'un mauvais rêve ? Tu ne savais plus qui tu étais, ce que tu étais ni où tu étais. Comment t'appelais-tu... ? Madelynn. Oui. Ca, tu le savais. Tes paupières étaient encore lourdes, et tu réprimas un bâillement. Tes mains fouillèrent autour de toi pour trouver Stacy, qui était pressée contre tes jambes.

« On va te laisser dormi. »

La femme au visage tiré par le manque de sommeil attrapa la main du garçon et le tira avec elle hors de la pièce. La panique envahit ton myocarde déjà bien trop sollicité au cours de la soirée. Tu tentas de te dégager des couvertures, sans succès. De ce fait, tu crias, les yeux fous :

« Non, s'il vous plaît ! Ne me laissez pas seule ! Vous ne comprenez pas ! Il va me tuer ! Travis... Il... Il va me faire dormir comme papa et maman ! »

Le jeune garçon sembla choqué par tes paroles mais tu étais bien trop terrifiée pour y prêter attention. La femme s'approcha de toi pour poser sa main sur ta joue fraîche et noyée de larmes, d'un geste rassurant et affectueux.

« De qui parles-tu, ma chérie ? »

Tu entouras le dos de la dame entre tes petits bras, te blottissant contre son corps chaud et apaisant. Les larmes continuaient de couler par flots mais tu n'y faisais pas attention. Entre deux hoquets attristés, tu répondis.

« De mon frère. Travis. Il est méchant... Il a poussé maman contre la table. Il s'est battu avec papa. Je crois. Il est méchant et il veut me faire du mal. Il leur a fait du mal ! J'ai peur ! S'il vous plaît... Ne me laissez pas toute seule. Il va venir pour me récupérer... »

La détresse suintait de ta voix criarde. Tu happas davantage les vêtements de la femme, t'accrochant à elle comme tu l'avais fais précédemment avec Stacy. Elle t'embrassa, te serrant contre elle. Le fils ne bougeait pas, restant dans l'embrasure de la porte. Il semblait effrayé, mais tu étais trop fatiguée pour tenter d'y faire quelque chose. Et trop effrayée également. Madame Thomas - dont tu ignorais encore le patronyme et même le nom marital - te borda et te chantonna un air qui te berça. Cachée sous les couvertures, ton nez et le haut de ton visage dépassant légèrement, tu retrouvas la sérénité des bras de Morphée.

Si dans un premier temps tu restas plus ou moins distante et peu loquace, au bout d'une semaine, ta voix commença à résonner dans la maisonnée. Tu te confessas, expliquant ta situation. Il avait fallut le temps, mais tu avais compris que tu avais réellement vécu tous ces évènements. Que tes parents étaient réellement... Partis. Il ne se passait pas une nuit sans que tu ne pleures leur perte et que tu ne tentes de comprendre les raisons de ce frère si particulier dont tu avais hérité. Et la crainte qu'il te retrouve ne parvenait pas à désenfler. Tous les médias parlaient de l'évènement, raison pour laquelle tu évitais la radio ou les télés. Tu préférais rester dans ta chambre à dessiner et extérioriser ta souffrance. Tu commenças également à écrire pour garder des souvenirs. Tu regrettais de n'avoir aucune photographie de tes géniteurs. La guitare te manquait également beaucoup mais tu ne te serais pas permise, trop bien élevée, de leur en demander une. Et lorsque tu n'étais pas cloitrée dans ta chambre, tu passais ton temps avec Justin, le garçon du même âge que toi. Tu appréciais sa compagnie et plus encore le fait de pouvoir lui parler et rire en sa compagnie. Il était un peu comme un autre frère... Un vrai. Qui ne tenterait pas de te tuer. Au bout d'un temps, en Mars, Monsieur et Madame Thomas t'apportèrent aux autorités. Tu expliquas longuement ton histoire, buttant sur les mots à employer et contre la peine qui s'instaurait en ton sein. Les policiers connaissaient tes parents et se montrèrent réconfortants, dans la limite du possible.

« Et ton frère... Où est-il maintenant ? »

Tu fus choquée par cette question perfide et insidieuse. Tes traits se déformèrent légèrement sous la colère que tu éprouvais. Et les larmes revinrent prendre possession de tes yeux. Tu rétorquas, incomprise.

« Il a essayé de me tuer ! Comment pouvez-vous me demander ça... ? Je n'en sais rien. Je l'ai laissé à la ferme. Si je n'étais pas partie, il m'aurait tuée. Tuée, vous comprenez ?! Tuée ! »

La main de la mère de Justin se posa sur ton épaule, te rassurant et faisant passer la pilule un peu mieux.

« Bon, arrêtez avec vos questions. Pauvre petite, vous allez la traumatiser à vie ! Il faut la placer en maison d'accueil. »

Tu regardas Madame Thomas d'un œil suppliant. Mais tu ne pouvais décemment pas leur demander de te garder parmi eux. Pourtant, tu t'étais déjà attachée à eux et ne voulais pas les quitter. La présence de Justin te faisait te sentir plus normale, et ils ressemblaient tant à cette famille que tu avais perdu... Mais tu tûs la demande qui te brûlait les lèvres. Le policier fuma une taff de son cigare avant de rejeter la fumée très lentement. Trop.

« Y'a pas d'place. Prenez la Henrietta ! »

Tes yeux brillèrent de l'éclat de l'espoir qui se faisait une place petit à petit dans ton cœur. Les Dieux ne t'avaient peut-être pas abandonnés... Mais tu ne croyais déjà plus en ces sottises ésotériques.

« Pourquoi personne ne veut d'elle ?! »

Demanda Madame Thomas, rouge de rage. Tu ne comprenais pas réellement. Qu'avais-tu fait pour qu'ils te rejettent tous de la sorte ? Et cela voulait-il dire qu'elle ne voulait pas de toi, elle aussi ? Ta gorge se serra mais tu ne dis aucun mot.

« Vous savez comme ils disent du mal des familles de tueur ici. Travis n'en est pas à sa première victime. C'est lui, le Vampire ! »

Le temps sembla se suspendre. Tu ne comprenais nullement cette histoire de vampires. Et pourtant, Dieu savait à quel point tu aimais le sujet. Les vampires avaient quelque chose de fascinant à tes yeux et tu avais toujours beaucoup aimé les films relatant leur vie ou même les livres. Henrietta afficha un air incrédule avant de passer une main agacée sur son minois en sueur.

« Le Vampire ?! »

L'évocation te laissait autant fascinée que terrifiée. Tout dépendait s'il s'agissait d'un vampire comme les décrivaient tes bouquins, capables d'aimer, de se nourrir d'autres choses que des humains ou s'ils étaient sanglants et... Funestes. Tu déglutis. Le tueuse était connut au Texas. Malin, vicieux et perfide, il arrachait le cœur de ses victimes ou ses membres. Ils les positionnaient, après avoir marqué leur peau de deux trous distincts rappelant les crocs d'un vampire, dans des sens macabres, se jouant de leur corps sans vie. Si tout cela s'avérait vrai, Henrietta ne pouvait te laisser toute seule. Elle ne pouvait pas se résoudre à te laisser dans ta détresse. Elle décida de te prendre sous son aile, pour ton plus grand bonheur.

Avec les années, les souvenirs s'estompent, se font plus doucereux et surtout moins douloureux. C'est ce qu'il se passa dans ton cas. Au fil du temps, tu appris à te contenter de ce bonheur éphémère qui régnait dans ta nouvelle famille. Ils devinrent tout à tes yeux. Au début, Justin et toi vous chamailliez beaucoup pour des bêtises. Mais vous apprîtes à vous connaître et furent ensuite plus inséparables et soudés que les cinq doigts de la main. Vous passâtes votre temps ensemble, ne vous décollant jamais. C'était tel que vous faisiez presque tout ensemble. Quand l'un manquait à l'appel, l'autre était morne, triste. Son souffle semblait éteint, tari. Vous fabriquâtes une cabane en bois dans un arbre, où tu adorais te réfugier pendant les jours de pluie, avec ton ami. Vous lûtes, rigolâtes, parlâtes et jouâtes dans cet amoncellement de bois qui parvenait à couvrir vos têtes de gouttelettes hydralines. Vous vous amusâtes également à rendre Monsieur et Madame Thomas agacés, jouant de temps à autres avec leur nerf. Mais au fond, vous les adoriez. Tout était parfait. Tout... Jusqu'aux prémices de l'adolescence. »

« You are my world, my hope. »

« L'adolescence change toujours beaucoup de choses. Si l'on se persuade, enfant, que l'amour bat dans notre cœur... Ce n'est en réalité qu'une grande affection. Une fois adolescent, le palpitant s'emballe, s'émoustille de tout et de rien. Les perturbations commencent. La difficulté arrive, sinueuse, acérée. C'est ce qu'il se passa pour toi. Le regard que tu posais sur Justin, jusqu'alors seulement amical, devint rapidement plus attendri. Ce dernier était néanmoins un grand Dom Juan et possédait quelques mauvaises fréquentations. La jalousie s'intensifiait dans ton myocarde, te laissant âpre et amère. Le fait que Justin passât moins de temps avec toi était dur à avaler. Il se complaisait dans son air de bad boy, fumant et couchant à droite et à gauche tandis que toi tu étais bien plus sage et réservée. Mais s'il y avait bien une chose que tu ne pouvais pas supporter... C'était bien de voir ce garçon si important pour toi passer son temps avec d'autres jeunes filles, aux airs vulgaires la plupart du temps. Tu ne pouvais pas t'empêcher de cracher à la figure de Justin que tu ne le comprenais pas, qu'elles n'étaient pas assez bien pour lui. Et tu ne comprenais pas qu'il puisse vouloir d'autres personnes que toi... Toi, tu n'avais besoin de personne. Juste de lui. Que vous restâtes ensemble, que vous ne vous séparâtes jamais. Chaque engueulade finissait par un :

« Notre amitié est terminée ! »

Qui te fendait le cœur. Tu étais souvent celle qui prononçait ces mots fatidiques mais tu ne les supportais pas. De plus, il avait l'air de ne pas se préoccuper du tout de savoir si tu l'estimais toujours. Il t'énervait, avec ses manières hautaines et nonchalantes. Pourtant, tu étais toujours la première à revenir vers lui, mettant ta fierté de côté pour arriver, la queue entre les jambes. Tu avais l'impression de ne pas compter... Mais il était pire qu'une drogue à tes yeux : Te passer de lui était inconcevable. Tu ne parvenais jamais à lui en vouloir plus d'un jour. Mais ça ne suffisait pas, et les disputes recommençaient souvent de la manière suivante.

« Justin, arrête maintenant ! Donne-moi ce joint ! »
« Mais putain, calme toi ! Et décoince toi, t'es vraiment pas possible ! »

Une fois, rouge de colère, tu rétorquas, provocante :

« Tu penses que je suis coincée et que je ne suis pas capable de m'amuser ? C'est ça ? »

La réponse de Justin fut très claire : Il ricana, ne faisant qu'attiser ton courroux. Il pouvait réellement être vexant de temps en temps... Il n'avait pas besoin de répondre, tu avais compris. Fronçant les sourcils, tu bondis sur lui comme un fauve, attrapant le joint entre tes doigts fins et l'apportant à tes lèvres pour tirer une taff dessus. Aussitôt, les larmes te montèrent aux yeux et tu toussotas. La fumée te brûlait la gorge et le nez. Tu ne pensais pas que ça allait faire cet effet là. Il ne fit que se moquer davantage de toi, te faisant déglutir et faisant grimper ton envie de lui rabattre le caquet.

« Je suis capable de beaucoup de choses, n'en doute pas ! »
« Si, permets-moi toujours d'en douter. Regarde-toi. T'as quoi, dix-huit ans ? Tu n'as rien connu de la vie. Tu restes enfermée dans la cabane jour et nuit. Tu as tout le temps peur des gens. Des garçons surtout. Je dis que ta vie... Et bien c'est de la [bip !] ! »

Sourcils toujours froncés, tu le regardas quelques instants sans rien faire ni rien dire avant de finalement le pincer.

« Ma vie c'est de la [bip !] ?! Arrête ! Des garçons ? Je n'en ai pas besoin. Je suis bien seule. »

Tes joues rosirent. La vraie raison n'était pas celle que tu venais d'évoquer mais il était hors de question que tu proclames tes sentiments dans ce moment. Il ne fit que rire davantage, attisant ta colère.

« Et puis, de quoi je me mêle ?! Je fais ce que je veux, Justin. Tu n'es pas mon frère ! »

Des mots de trop, prononcés à cause de la perfidie de l'agacement. Le visage de Justin se ferma et la culpabilité commença à suinter dans tes veines. Il se releva, sans doute vexé par tes paroles et avança jusqu'à l'échelle dans le but de descendre de la cabane dans laquelle vous vous trouviez. Tu n'avais pas voulu le vexer... Mais il était vrai que vous n'aviez aucun lien familial. Après tout, si vous en aviez eu, tu n'aurais jamais pu ressentir ce que tu ressentais pour lui. Tu le rattrapas, honteuse, attrapant son bras.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire... »

Ton faciès était peint de regrets. Timidement, tu pris ton courage à deux mains avant de déposer tes lèvres sur les siennes, très doucement, comme si tu avais peur de le casser. Il te repoussa mais tu n'en avais cure.

« Qu'est-ce que tu fous bordel ?! »

Tu haussas les épaules avant de réitérer. Tes lèvres se posèrent pour la deuxième fois sur la bouche du jeune homme, caressantes, ton souffle se mêlant au sien. Tes doigts vinrent à jouer avec quelques mèches de ses cheveux pendant ce moment unique et frôlèrent sa joue dans un geste tendre. Tu ne savais plus réellement si tu faisais ce geste pour lui prouver que tu étais capable de faire bien des choses ou pour lui montrer tes sentiments. Les pensées n'étaient plus vraiment cohérentes. Elles se brouillaient dans ta tête. Il était ton premier baiser. Mais pour lui, ça ne changeait rien, tu en étais persuadée. Il ne changerait pas pour toi, ne redeviendrait pas le garçon que tu avais tant apprécié. Mais tu avais beau savoir tout ça, le baiser était très important à tes yeux. Ta possessivité et ta jalousie redoublèrent d'intensité, se faisant de plus en plus difficiles à supporter. Justin s'en fichait, ramenant toujours des filles à travers les champs. Tu étais bien évidemment sûre que vos sentiments n'étaient pas réciproques. S'ils l'avaient été, il se serait contenté de toi. Et cette pensée te brisait le cœur, chaque jour.

Un jour, tout changea. Tu te baladais dans les champs de blé, dans le but de penser à autre chose. D'oublier un peu la douleur sourde qui persistait dans ton palpitant étroit. Mais ta marche fut interrompue par des gloussements et des bruits de baisers et de sucions. Tu te planquas et avança jusqu'aux bruits où tu découvris Justin avec une cruche. La demoiselle en question était très peu vêtue et quelques uns de ses vêtements gisaient sur le sol. Ils semblaient... Occupés. Tu déglutis. Néanmoins, tu ne pouvais pas taire la rage qui te consumait totalement. Tu voulais leur faire regretter. Des pierres s'amoncelaient autour de toi, et tu en attrapas quelques unes que tu balanças sur eux. Ils se relevèrent tous deux. La blonde se rhabilla en quatrième vitesse avant de partir. Mais Justin s'approcha. Tu te mordis la lèvre inférieure. Vous alliez encore vous disputer, et c'était de ta faute... Mais tu ne comptais pas attendre qu'il arrive. Autant fuir. Tu te mis à courir rapidement, comme si ta vie en dépendait. Ton rire résonna, amusée par cette course poursuite. Pourtant, Justin finit par te rattraper et par te sauter dessus. Ton cœur battit la chamade à cause de cette proximité. Tu aurais pu l'embrasser, tant vous vous étiez proches...

« Pourquoi tu fais ça ? »

Tes grands yeux verts se posèrent sur lui. Tu haussas les épaules tandis qu'il laissait sa main s'attarder sur ta chevelure dorée.

« Je ne sais pas. Peut-être parce que cette fille ne te mérite pas. »

Il s'agissait plus ou moins d'un mensonge. Tu savais parfaitement pourquoi tu agissais de la sorte, mais ce n'était toujours pas le moment pour le lui dire. Tu ne voulais pas risquer de le perdre... Et te prendre un rateau te terrifiait. Il sourit et ses lèvres s'approchèrent des tiennes. Tu étais tentée de l'embrasser mais cette situation te mettait légèrement mal à l'aise. Tes joues devinrent cramoisies sous l'embarras.

« Alors dis-moi quelle fille me mérite et je t'obéirais. »

Le ton provocateur de Justin t'agaça légèrement. Mais l'air mielleux qu'il arborait et le charme qu'il mettait en œuvre te laissait complètement désemparée et troublée. Tu aurais pu te damner pour un sourire de sa part. Tu aimais tout chez lui, même ses plus gros défauts. Bien entendu, son côté Dom Juan n'était pas la chose que tu préférais, mais cela allait de paire avec lui. Et le fait qu'un garçon avec autant de charme que lui puisse s'intéresser un minimum à toi t'excitait étrangement. C'était une sensation et un sentiment grisant. Tu étais incapable de lui en vouloir... Tu lui aurais tout dit si cela avait pu permettre que vous fûtes ensemble, qu'il ressente le même genre de sentiments que toi.

« Je ne sais pas. Peut-être une fille plus calme... Moi, chipie ! »

Des mots de trop, une fois encore. Un petit sourire résidait sur tes lèvres et tu déposas un baiser papillon sur la bouche de Justin. Mais à la vue de son air figé, tu regrettas légèrement. Pourtant, il se pencha pour t'embrasser avec douceur et sincérité. Ton cœur battait fortement dans ta poitrine, et tu étais incroyablement heureuse. Cette journée n'aurait pas pu être plus belle. Ses mains se baladèrent sur ta peau, t'arrachant quelques rires. Un frisson s'attarda sur ton échine, mais quelque chose te disait qu'il n'avait rien de bon. Soudain, un coup de feu retentit. Les souvenirs s'imposèrent à toi avec la même violence. Vous vous redressâtes. Tes yeux fouillaient les plantations à la recherche de cette personne... De Travis. Tu avais l'impression de redevenir gamine. La peur te tordit l'estomac. Mais rien n'était visible. Son visage n'arrivait pas dans ton champ de vision. Tu tentas de te rassurer, mais c'est à ce moment là que la voix folle de ton frère résonna. Tu te sentis mourir, sous ses mots.

« Petite Maddy... Je suis là... Je t'ai enfin trouvée... »

L'effroi se peignit sur ton visage alors que sa silhouette se dégageait devant le soleil de plomb. Son visage était resté le même. Ses vêtements aussi et le sang les tâchant sans doute également. Mais ce qui t'interpela le plus fut le sang encore dégoulinant qui s'écoulait du bas de son visage. Justin eut l'air effroyablement choqué à la vue du collier que Travis montra. Un pendentif tâcha d'hémoglobine résidait entre ses doigts crasseux. Il ne fallut qu'un millième de seconde pour comprendre qu'il appartenait à la blonde que Justin bécotait juste avant. Tu plaças ta main devant ta bouche, choquée. Ton frère balança la chaîne en l'air et Justin la rattrapa. Ses sourcils étaient froncés et, lorsqu'il releva les yeux vers Travis, ils étaient emprunts de colère.

« Cadeau de ton amie. C'était une belle fille. Vraiment belle. »

Tes joues rosirent sous la colère. Tu crias les premiers mots qui te passèrent par la tête, tentant de te donner de la contenance.

« Travis, arrête ! Les policiers vont venir et tu vas être exécuté pour tous les meurtres que tu as commis ! »

L'air bête de ton frère se mua en un air démoniaque qui te glaça le sang. Sa voix devint rauque et effrayante.

« Les policiers ne peuvent pas m'avoir. Personne ne peut m'avoir ! »

Il s'agissait là d'une certitude. Tu mourrais d'envie de lui demander pourquoi il avait ruiné votre famille, pourquoi il avait tué de la sorte vos géniteurs. Tu voulais savoir s'il avait un cœur ou s'il était aussi mort que la folie qu'il possédait était grande. Mais rien ne siffla dans l'air. Mis à part le bruit du couteau qui devint visible, dans les mains de ton frère.

« Je ne suis pas habitué à chasser les garçons, mais ça va être marrant ! »

Il se mit à courir dans votre direction. Il n'était plus question de rester là à attendre sagement de vous faire assassiner dans une douleur atroce et incommensurable. Vous fuitâtes en de grandes enjambées, vous cachant dans une grange. Les évènements semblaient se répéter... Est-ce que le fantôme du militaire te sauverait à nouveau ? Est-ce que vous survivriez ? Et si vous surviviez, est-ce qu'il ne retrouverait pas ta trace plus tard ? Vous étiez au fond de la pièce lorsque Travis apparut dans l'embrasure. Justin observa l'endroit avant de te dire, sans un regard.

« Mady. A trois, tu sors pas cette petite trappe. D'accord ? »

Ses mots n'étaient qu'un murmure, afin que Travis ne puisse pas les entendre. Les larmes ruisselèrent sur ton visage alors que tu t'accrochais à ton ami.

« Non Justin, je ne peux pas te laisser. Viens, sortons ensemble tant qu'il ne nous a pas vu. »

Vous étiez toujours planqués mais Justin te poussa brusquement vers la trappe. Tu fus forcée d'y aller, quittant la grange funeste. Mais tu restas quelques instants dehors à peser le pour et le contre. Tu voulais aller sauver Justin, mais tu craignais réellement que Travis ne te tue. Tu avais tellement peur... Mais ton amour pour Justin était plus grand. Tu retournas dans la grande, où Justin et Travis se battaient. Justin était plus fort que ce que tu pensais, mais Travis était plus âgé et plus fou. Travis parvint à prendre le dessus, te faisant claquer les dents d'effroi. Il lui mit son poing dans la figure avant de le frapper sur le torse et dans les flancs. Il n'en fallut pas beaucoup plus à Justin pour commencer à perdre du sang et à en cracher. A la vue du couteau levé de Travis, tu décidas de faire quelque chose. Il allait égorger ton Justin. Il n'y avait que toi qui pouvait le maltraiter ! Et tu ne pouvais pas te passer de lui. Tu remarquas une faux pendue sur le côté et l'attrapas à deux mains. Tu t'approchas furtivement de Travis et l’abattit dans son dos au moment où il s'apprêtait à plonger sa lame dans la chair de Justin. Il lâcha la dague et s'écroula sur le sol terreux.

« Gentille Maddy est devenue méchante Maddy... Comme Travis. »

Cette phrase resterait à jamais ancrée dans ta mémoire. Tu voulais nier, mais à quoi cela servirait-il ? Tu n'étais pas comme lui. Tu n'avais pas besoin de le lui prouver. Sa voix devint de plus en plus rauque, alors qu'il déclarait, entre deux gerbes d'hémoglobine.

« Maddy est comme Travis... Elle deviendra méchante. Méchante... »

Il avait tort ! Tu voulus le crier mais préféra la méthode la plus radical : Tu abattis une nouvelle fois la faux sur lui, mais sur sa nuque, lui arrachant la tête. Le liquide carmin se répandit comme un geyser sur le sol. Mais la rage présente dans ton corps t'empêchait de t'arrêter là. Tu continuas à rouer le corps inerte de coups, pour te débarrasser de la peur qui te tétanisait. Justin posa la main sur ton bras et t'arrêta.

« Arrête, arrête ! C'est bon, tu ne vois pas qu'il est mort ?! »

La faux tomba de tes mains. Le choc était présent sur ton visage. Tu avais tué un homme. De ton propre chef. Ton frère... Le sang de ton sang... Une partie de toi. Tu tombas dans les bras de Justin, les larmes continuant de couler sur tes joues crasseuses.

« Sors et laisse moi cacher le corps. »

Déclara t-il d'un air doux. Il était avenant. Tu acquiesça avant de disparaître hors de la grange. La robe que tu portais, d'ordinaire si mignonne, était maculée du liquide rougeâtre. Et si Travis avait raison ? Et si tu étais comme lui ? Cela pouvait-il être dans les gênes ? Étais-tu condamnée à la même folie que lui ? Ton myocarde continuait de battre avec fougue. Soudain, la grange s'enflamma.

« Justin ! Justin ! »

Tu étais persuadée qu'il était mort. Tu hurlas son nom pendant de longues minutes avant qu'il n'apparaisse, sain et sauf. Un briquet se trouvait dans ses mains mais tu n'y fis pas réellement attention. Tu te précipitas dans ses bras, en pleurs, le serrant fortement contre toi.

« T'inquiète pas, je suis là. »

[...]

Une semaine plus tard, Justin fugua. Un mois plus tard, il revint, toujours aussi enivré par les plaisirs, les alcools et les drogues. Il n'avait pas changé d'un pouce. Tu t'étais inquiétée pendant toute cette durée, et lorsqu'il revint, c'est à peine s'il te jeta un regard. Tu avais changé. La fille apeurée s'était mue en une demoiselle torturée mais bien plus caractérielle. Le secret que vous partagiez était un fardeau très lourd à porter. Tu tapas de tes poings sur le torse de Justin, lui demandant, énervée et rassurée à la fois :

« Tu étais passé où ? Tu m'as laissée seule ! Tu... Tu n'es qu'un salaud ! »

Tu le giflas. Son regard semblait vitreux et ailleurs. Comme s'il n'était pas vraiment là. Néanmoins, ses sourcils se froncèrent et il te regarda avant de te dire, agacé :

« Fais pas chier. Laisse moi tranquille. J'ai sommeil. »

Il tomba lourdement sur son lit. Ne pouvait-il pas comprendre que tu aies pu t'inquiéter et que tu étais simplement agacée de n'avoir eu aucune nouvelle ?! Non, bien sûr que non. Il était bien trop préoccupé par sa petite personne pour faire attention à toi et à tes peurs. Tu réitéras.

« Réponds Justin ! Tu étais où ?! »
« J'étais chez le Bon Dieu, ça te va ? »

Il avait l'air éreinté. Tu ne voulais pas l'embêter et tu étais bien trop contente qu'il soit revenu pour attiser les flammes de la dispute. Tu te laissas tomber sur le lit et te blottis contre lui.

« Tu m'as laissée seule ! Ne refais plus ça. »

Le jeune homme ne répondit rien. Toute la nuit, tu restas dans ses bras, appréciant la chaleur de son corps. Au bout d'un moment, le sommeil l'emporta et tu t'endormis contre lui. Cependant, le lendemain matin tu fus réveillée par des cris au rez-de-chaussée. Tu descendis les escaliers rapidement, tombant sur une dispute.

« Tu n'es qu'un bon à rien. Je t'ai trouvé un travail à la Mairie et toi, qu'est-ce que tu fais ? Rien ! »

Déclara Monsieur Thomas d'un ton accusateur. Tu ne te sentais pas à ta place mais tu ne pouvais pas repartir en haut et tu ne pouvais rien dire. Ca ne te concernait pas vraiment. Tu attendis, de ce fait, en regardant la scène.

« Mais ta gueule. Je t'emmerde toi et ton boulot à la mairie ! »
« Justin, arrête immédiatement. Tu n'es pas digne ! Tu ne fais que de mauvaises choses ! Tu as été arrêté la nuit dernière n'est-ce pas ? Tu étais en prison ? »

Tu abattis ta main sur tes lèvres, choquée par cette nouvelle. Qu'avait-il bien pu faire pour être mit en prison ? Tu avais l'impression de ne plus le connaître. Pourquoi ne t'avait-il rien dit ? Il aquiesça, une certaine fierté brillant dans ses prunelles claires.

« Ouais. »
« Ce n'est pas vrai ! Ce garçon est une vraie [Bip !] inutile ! »
« Fier de l'être. »

Tu détestais ce genre de disputes. Les parents de Justin remarquèrent enfin ta présence et te sourirent. Tu fisla moue, t'attendant à une remarque sur toi, ce qui ne manqua pas.

« Tu devrais être comme elle. C'est une bonne fille. »
« Ouais, elle est bonne. Et c'est une fille. Je l'avoue ! »

Une fois encore, tu fus choquée par ses paroles désinvoltes. Ne te voyait-il que de cette façon ? Où était passé ce garçon avec qui tu étais si complice, avec qui tu partageais tout ? Henrietta le gifla.

« Sors immédiatement d'ici. Que je ne te vois plus ! »

Cria t-elle. Les larmes apparurent au coin de tes yeux. Madame Thomas t'enserra dans ses bras. La peine te dévasta. Tu aurais tant aimé que les choses redeviennent comme avant... Et tu ne comprenais pas le comportement de Justin. Ne pouvait-il pas te soutenir ? Après tout, tu avais tué quelqu'un ! Ton frère ! Lorsqu'il t'avait embrassé, tu avais cru que les choses avaient changées... Tu te souvenais encore de ses lèvres contre les tiennes, de ce contact qui t'avait tant réchauffé. Mais il ne t'aimait pas. Pendant tout le reste de la journée, Justin resta enfermé dans sa chambre. Tu tentas de lui parler à travers la porte en bois mais il ne répondit jamais, et elle était verrouillée. Le lendemain, la porte de la chambre de Justin était grande ouverte. L'adolescent était parti, volant au passage de l'argent à ses parents et embarquant toutes ses affaires avec lui. Il t'abandonnait, lui aussi. Tu étais seule à nouveau... Cela te brisa totalement. Tes larmes réapparaissaient chaque soir, dès lors que tu t'autorisais à penser à Justin, à ce que vous aviez ou pas vécu. Petit à petit, tu te rebellas également. Tu devins paradoxale, à la fois tendre et rêveuse, à la fois agressive et délicate. Tu ne pouvais pas t'en empêcher. La pensée que tu étais contaminée par le même gêne que Travis était récurente dans ton esprit. Tu étais lunatique, changeante... A ton tour, tu décidas de fuir le Texas, endroit de toutes tes souffrances. »

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