Le soleil venait de se lever ; la matinée débutait à peine. Le vent faisait frémir les feuilles accrochées aux branches, le parfum des fleurs à peine écloses courait le long du couloir baigné par la vive lueur de l’aube naissante. Je m’éveillai enfin après une nuit pleine de sommeil. Aujourd’hui, j’avais beaucoup à faire, dont croiser les jeunes de la Meute afin de discuter avec eux de nos nouveaux plans d’attaque pour contrer le duo Lukenzo. Sortant du lit, j’allai jusqu’à la salle de bains et laissai l’eau chaude couler le long de ma peau ; je frémis à plusieurs reprises, l’esprit légèrement ailleurs, embourbé dans des pensées aussi vaporeuses que la buée qui se répandait sur les vitres. Je sortis de la maison une demi-heure plus tard après avoir salué mon père qui était assis dans son rocking-chair, l’œil perdu le long de la verdoyante ligne de l’horizon. Il paraissait pensif, assez anxieux ; rien de plus normal suite à ce qui nous attendait. Le Shaman du village lui avait dicté mot par mot ses prédictions quant à l’avenir de la Push et de la Meute qui s’avérait incertain. On comptait sur nous. Toute notre terre voulait que nous leur livrions enfin Justice. Je descendis les marches rapidement et m’arrêtai un bref instant sous le portique de bois sur lequel trônait un crâne de buffle, une chasse dont mon père avait toujours été très fier. Je lui adressai un sourire suivi d’un clin d’œil comme pour le rassurer et le convaincre que tout allait bien ; qu’il pouvait vaquer à ses occupations normalement et que son unique garçon ressortira victorieux de cette journée de labeur. Puis ensuite, je m’engouffrai à travers l’un des petits chemins de terre, m’éloignant ainsi de notre civilisation ; la nature fleurissait de toute part. Des bras verts levaient leurs mains fleuries vers les cieux baignés par le soleil ardent. Quelques rayons dorés parvenaient à transpercer cette jungle silencieuse. Je m’avançai à pas lents, observant d’un œil méfiant les alentours ; qui sait, peut-être que le duo Lukenzo viendrait me surprendre et m’attaquer alors que je n’y attendais pas. Ils en étaient vraiment capables ! Ils l’avaient fait avec Julian. Ils le feront certainement pour moi aussi. Arrivant à mi-chemin entre la forêt et la clairière, je laissai le loup en moi s’extraire de mon enveloppe charnelle. Précipitamment, je courus, bondissant par-dessus les rondins de bois qui flottaient sur la surface dorée du lac. L’horizon était broussailleux mais éclairée par la lueur de l’astre flamboyant. J’enchainai les sauts, les uns plus agiles que les autres avant de retrouver au loin, quelques points nets. C’était ma Meute. Les loups m’attendaient tous ; leur air guerrier vit naître sur ma gueule, un sourire. Mes prunelles brillaient, tout comme mon pelage éclairé par le soleil. Mes gars et moi échangeâmes quelques paroles. Nous voulions mettre au point notre stratégie avant de nous rendre près des falaises pour sauter un peu et nous détendre. Cela allait nous faire le plus grand bien. Aussitôt, Seth et Julian imposèrent des idées qui parurent au reste de la Meute vraiment intéressantes ; c’étaient de nouvelles techniques d’attaque qu’ils avaient appris ensemble, en s’entrainant. Les deux animaux bondirent dans les airs en s’attaquant avec une violence rare. J’étais vraiment surpris. Je ne savais pas qu’ils pouvaient déployer autant de force et de rage. C’était vraiment bon à savoir pour notre coup contre l’ennemi ! Le duo Lukenzo et leur meute n’allaient pas s’en sortir indemnes. Parole de Black ! Après un laps de temps, on se rendit tous ensemble vers les falaises. De là, on voyait l’océan indompté par les marins s’étendre et mugir avec violence. Tour à tour, les loups reprirent leur forme humaine ; leurs corps saillants brillaient au soleil, tout comme leurs yeux et leurs sourires. Le vent me fouetta le visage. Je frissonnai de plaisir. Il était de glace. L’eau devait être fraîche aussi. Un à un, les garçons sautèrent, puis les filles suivirent. Je m’élançai à la fin, après avoir admiré le paysage et respiré l’air marin et vivifiant. Des vagues hautes engloutirent les jeunes puis leurs têtes réapparurent comme étant quelques petits points à peine visibles sur la surface écumeuse de l’eau. Je bondis à mon tour. Aussitôt, j’atterris dans l’eau, allant jusqu’à effleurer de la pointe des doigts, le fond. Je nageai sous l’eau, puis en ressortis et suivis les autres de la Meute jusqu’au rivage. Nous avions ressenti le grand frisson. Celui qui nous prouvait que nous n’étions pas que des animaux, mais aussi des hommes avec une certaine faiblesse liée à ce statut, mais aussi, avec une grande force. Un grand courage.

Deux heures plus tard, alors que le soleil était au zénith, Seth nous proposa à tous de venir déjeuner chez lui. Nous acceptâmes l’offre. Riant et marchant gaiement, nous avançâmes le long de la plage avant de pénétrer de nouveau dans la forêt. Nous nous lançâmes un défi, comme d’habitude ; qui arriverait en premier. Aussitôt, je bondis en avant, laissant le loup en moi renaître et sublimer ma course de sa puissance et de son agilité. La forêt était bordée de ronces. Le lac brillait intensément. Les loups couraient à vive allure, en aboyant de joie. Nous étions si bien. Nous avions absolument tout oublié ; les problèmes, l’université…Tout. Nous arrivâmes bientôt près du village, lorsque soudainement, j’entendis comme un battement de cœur familier. Je m’arrêtai aussitôt dans mon élan. Les loups avaient au bout de quelques secondes à peine, disparu de mon champ de vision. Les battements de cœur s’accentuaient et venaient en ma direction. Un parfum empli l’air. Je le connaissais entre mille ! Evelyn. Que faisait-elle là ? Le lac de Black Water reflétait la lueur de l’astre brillant. Je bondis dans un buisson. La silhouette svelte de la cheerleader apparut enfin comme un reflet sur l’eau. Ses cheveux au vent, Eve regardait à gauche et à droite. Que cherchait-elle ? La Push peut-être ? Je n’oubliai pas la dernière parution sur le mur de New Heaven, et tous les ennuis qu’elle nous avait faits. Le buisson frémit alors que je m’en échappai, de nouveau humain. La cheerleader frémit en me voyant ; elle poussa un petit cri. « Désolé de t’avoir fait peur. » Lui dis-je en allant jusqu’à elle. « Que me vaut l’honneur de cette visite ? Tu as quelque chose à dire par rapport au mur ? » Je la détaillai avec un certain mépris tout en croisant mes bras contre mon torse. La jeune fille passa une main dans ses cheveux tout en baissant la tête. « Tu es derrière ça, encore ? Tu n’en as pas déjà assez fait ?! » Je n’étais pas agressif. J’étais plutôt neutre, placide. Je l’avais assez engueulée sur le sujet.