Pitoyable, misérable, catastrophique, affreux, inhumain. Les mots ne cessaient d'affluer en masse dans l'esprit de June qui ne pouvait contenir plus longtemps ses larmes. Ramenant les genoux contre son torse, elle étouffa un gémissement de douleur. Elle avait mal, tellement mal qu'elle voulait hurler jusqu'à en décoller la tapisserie des murs bien trop chauds à son goût. Ses sanglots ne faisaient que s'intensifier, il n'avais quand même pas pu la trainer dans la boue d'une telle manière ; pas elle. Celle qui avait mis corps et âme à l'épauler pendant des mois et des mois pendant que les autres le connaissaient à peine. Celle qui l'avait présenté à ses amis sans se douter qu'il pouvait être un véritable monstre, celle qui croyait en lui pendant que le reste du monde le pensait irrécupérable à jamais. Pas elle. Ses larmes cristallines scintillaient comme des étoiles sous le clair de lune, pieds nus dans l'herbe June pensait que se réfugier dans la forêt avoisinant sa maison aurait pu l'aider à oublier ce qu'il venait de se produire. Petite, elle aimait s'y réfugier et pouvoir y retrouver la protection des arbres ; elle s'y rendait par fois pour fuir la réalité de la vie, trop dure à encaisser surtout en ce jour. Une brise glaciale balaya "la clairière sacrée", telle était le nom que Ruby et June avait donné à cet endroit merveilleux à la naissance de printemps . Des feuilles virevoltèrent au gré du vent dans un tourbillon macabre, emportant avec elle les larmes qui perlaient sur le teint pâle de la brune. La lune pleine de son incroyable beauté luisait de tout son éclat, diffusant des lueurs inquiétantes le long des arbres de la clairière. Elle qui aimait tellement la protection de ces arbres, elle ne se sentait pas protégé par ses géants de la nature. Rien n'avait plus d'importance, elle ne voulait plus vivre, plus respirer. La poids de cette honte l'écrasait, lui broyant l'échine et les os. Elle étouffa un cri de lamentation, elle ne se sentait plus respirer. Elle suffoquait malgré les bises nocturnes qui étreignaient tout son être. Elle avait mal, tellement mal ; c'en était devenu tellement insupportable. Comment avait-il pu ? Comment ? Pourquoi ? Elle s'examina en s'attardant sur son bras recouvert d'une ecchymose, elle n'osa pas y toucher de peur de lui rappeler cet affreux souvenir. La brune sentit un bleu le long de sa fine cuisse. Reposant sa jambe le long de l'herbe moelleuse et humide, elle sentit la douleur la tenailler lui arrachant au passage un feulement animal. Elle se remémorait chaque seconde de ce cauchemar éveillé en pleurant à chaudes larmes.Elle secoua la tête. Ce n'était qu'un cauchemar, une simple rêverie affreuse sortant tout droit de son imagination tordue. S'en étant intiment convaincu la brune quitta précipitamment la clairière, la rapidité de son geste lui décrocha un tournis ravageur ; elle semblait prête à tomber lourdement sur le sol mais elle parvint à aligner ses pieds pour s'enfuir en courant. Les branches lui fouettaient le visage, le tapis d'épine écorchait ses chevilles mais June n'en avait plus rien à faire. Elle voulait fuir, le plus loin possible de cette merde qui la dévorait de l'intérieur, de lui. Écorchée vive June partait, filait le long de la forêt sans direction, sans but précis juste elle contre le reste du monde. Elle déboucha le long d'une route déserte éclairée par un maigre lampadaire lui indiquant qu'elle se situait non loin du centre ville. Rassurée la jeune fille erra le long de la route son souffle glacé pour seul bruit de fond, luttant comme un âme en peine pour ne pas s'effondrer misérablement le long de la chaussé comme elle l'avait fait dans la clairière. S'enfuir avait été un moyen pour elle de fuir cette réalité cruelle pour finalement la recevoir en pleine figure à peine arrêté dans sa course infernale. Rien de tout ceci n'était un rêve, rien de ce qui venait de se produire n'avait été le fruit empoisonné de son imagination ; il l'avait fait et jamais il ne paierait assez cher pour ça.

Une voiture déboula de nul part arrachant June à ses pensées malsaines. Le véhicule se stationna sur le bas-côté et en sortit une silhouette masculine à en juger pas la musculature. Le jeune homme la toisa longuement avant de se décider à faire un pas vers elle, elle recula par simple peur avant de reconnaître le visage de l'inconnu. Il lui ouvrit les bras, la jeune femme s'y logea avant de fondre dans un énième crise de larmes. Le jeune homme caressa tendrement sa chevelure tandis qu'elle mouillait de ses larmes sa veste en cuir. Elle n'avait cure de ce qu'il pouvait penser d'elle en ce moment, il était là pour elle. Caressant d'une main douce ses cheveux, lui murmurant que tout allait bien, June s'accoutuma à l'emprise de ses bras et sécha progressivement ses larmes pressant un peu plus son corps au sien. Elle s'accrochait comme elle le pouvait à lui, elle ne voulait pas qu'il la lâche et l'abandonne le long de cette route déserte, seule, trainant son malheur comme un boulet autour du pied. Il dégagea doucement un mèche de cheveux pour lui pouvoir plonger ses yeux d'un bleu intense dans les siens.

- June s'il te plait, l'implora-t-il désireux de l'aider, dis-moi ce qu'il se passe.
- Non, coupa-t-elle sèchement, je ne veux pas. Enfin, je ne peux pas, je me sens si mal Tony. Aide-moi s'il te plaît, je t'en supplie.

Elle sentait son regard fuyant, une lueur de colère passa dans ses yeux, elle comprit. Tony était irrité de savoir qu'elle ne voulait pas lui parler de ce qui lui arrivait. Elle ne pouvait pas lui en vouloir d'être aussi susceptible, il l'avait toujours été. Son humeur changeait du tout au tout, c'était non plus de la pitié mais bien de la colère qui animait son visage angélique. June en frémit. Elle n'avait pas voulu le mettre dans cet état. La brune ne pouvait décemment pas lui en parler, elle n'avait pas lui dire ce qu'il lui avait fait, tout ceci était trop douloureux pour elle. Pourtant, le regard azur de son compagnon la faisait terriblement douter, elle pouvait lui faire confiance après tout. Qu'est-ce qu'il la retenait après tout ? Elle avait le pouvoir de lui en parler, il avait le droit d'être dans la confidence. Il ne semblait se soucier d'elle beaucoup plus qu'il ne le prétendait. Pourtant, aucun mot ne sortit de sa bouche, elle préférait le mutisme à la honte.