Cuba. Ces quatre lettres qui font rêver les étrangers. Cuba, pays de la salsa, avec ses gens dans les rues, ses peaux bronzées, sa misère qui n’empêche pas les habitants d’être heureux. Oui, c’est à Cuba que Cordelia a grandi, dans cette ambiance latino, au rythme du reggateon et des concerts au Malecon. L’éducation qu’elle a reçu est à la fois celle de tout le monde et celle de personne, passant ses journées dehors, à jouer au football avec les voisins puis à danser toute la nuit avec ses amis. Tout ce qu’elle a appris, c’est l’expérience qui le lui a délivré, et non pas les livres comme c’est généralement le cas dans d’autres pays considérés comme plus cultivés. Mais n’allez pas croire à ces préjugés. Cuba regorge d’une culture incomparable, et ses auteurs contribuent fortement à la richesse du pays. Alors pourquoi n’en entendons-nous pas parler davantage ?
La dictature. La censure. Les condamnations.

M i g u e l ▲ Cordelia, ¿vienes?
C o r d e l i a ▲ Espera un momento, acabo de encontrar algo.
M i g u e l ▲ Venga, ¡que nos esperan para ir a la playa!
C o r d e l i a ▲ Vete, que ya os alcanzo.
M i g u e l ▲ Bueno a ver, que es eso que encontraste que no puede esperar?
C o r d e l i a ▲ Mira….

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Ce jour-là, Miguel et Cordelia en oublièrent leurs amis, en oublièrent tout le reste. Des heures durant, ils feuilletèrent ces vieux papiers manuscrits, cette histoire incroyable qui dénonçait la corruption et la richesse illicite, ces documents officiels qui montraient la face cachée de l’île, cette triste vérité qui dévoilait les vices et les faiblesses du gouvernement. Mais les deux jeunes, alors âgés de 16 ans, n’avaient pas encore conscience de la gravité de leur découverte. Pour eux, ces feuilles n’étaient que pure fabulation, l’œuvre satirique d’un auteur pessimiste. Le lendemain, ils en firent donc part aux autres. Et très vite, ces pages anonymes flottaient sur les lèvres de toute la ville. C’est au fur et à mesure que la rumeur gagnait en amplitude que Cordelia réalisa la véracité des propos tenus dans ce feuilles volantes, qu’elle se rendit compte du danger de les avoir rendu publiques. Mais il était désormais trop tard…

L i l i a n a ▲ Cordelia, ¡huye! ¡Corre! ¡Rapido! ¡Venga venga date prisa! Ay mi niña, coje esto y vete, marchate lo mas lejos que puedas. Lejos de este pais.. Por favor, ¡apurate ! ¡Cordelia ! ¡Ahhhh !

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À peine avait-elle enjambé la fenêtre qu’elle vit la porte de la chambre s’ouvrir à la volée. À travers le rideau opaque, elle distingua l’uniforme de la police. Sa mère poussa un cri, recula. Elle était condamnée. Mais Cordelia avait encore une chance de s’enfuir. Sa mère avait donné sa vie pour elle. Elle ne devait pas se faire prendre. Rapidement, elle rehaussa le sac sur son épaule. C’était tout ce qui lui restait. Il était temps de partir. Alors elle fit quelques pas sur la gouttière, et d’un bond gracieux, s’accrocha aux branches du vieil arbre par lequel elle avait fait le mur tant de fois. En quelques mouvements agils, elle était en bas. Elle ne jeta même pas un dernier coup d’œil à la fenêtre. Elle savait ce qu’elle devait faire. Ni d’une ni de deux, elle s’était élancée par l’arrière de la maison, à travers ces ruelles étroites qu’elle connaissait par cœur, empruntant les raccourcis qu’elle avait découvert durant sa tendre enfance, courant comme si sa vie en dépendait. Non, pas « comme si ». Sa vie en dépendait réellement. Elle couru, haletante, époumonée, mais sans jamais s’arrêter, sans jamais se retourner. Elle traversa la ville plus vite qu’elle ne l’avait jamais fait. Elle savait que bientôt on se lancerait aussi à sa poursuite. Il fallait qu’elle atteigne le port avant eux. Là-bas, son oncle l’attendrait. Il était prêt. Il l’avait toujours été, pour quand ce jour arriverait. Et il était enfin arrivé.
Ses jambes étaient terriblement lourdes, comme si elles voulaient s’enfoncer dans la terre à chacun de ses pas. Sa poitrine la brûlait et sa gorge semblait menacée par une lame acérée. Les formes autour d’elle devenaient indistinctes. Mettre un pied devant l’autre devenait un véritable supplice. Elle avait besoin de s’arrêter. Quelques instants. Reprendre son souffle.. Boire quelques gouttes d’eau…

« ¡No la dejeis escapar ! »

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Cette voix tonitruante résonna dans ses oreilles comme une alarme. Instinctivement, elle accéléra la cadence, bien qu’elle soit persuadée qu’elle allait s’effondrer.
Elle contourna le petit bar par la droite. La mer se dévoila enfin à ses yeux, s'étendant à perte de vue, scintillante et rougeoyante sous les derniers rayons de soleil. Et quelques mètres plus loin, un homme lui faisait de grands gestes à côté de son bateau. C’était son oncle. Il fallait qu’elle arrive à lui avant d’être attrapée. Encore quelques mètres… Quelques pas… Sa vue se brouilla, et elle sentit son corps se dérober sous elle.

Six ans se sont écoulés depuis ce funeste soir. Six ans.
Ce fameux soir, Cordelia a réussi à s’échapper avec son oncle. Leur périple a été long, semé d’embuches et de frayeurs. Mais finalement, la jeune fille est arrivée aux Etats-Unis, âgée de 17 ans. Pendant leur voyage d’exil, sont oncle lui avait expliqué que ces documents qu’elle avait trouvé étaient le fruit de toute une vie, d’un travail très minutieux, d’une collecte précise d’informations menée par ses parents. En écoutant le vieil homme lui raconter les risques qu’avaient courus ses géniteurs pour faire éclater la vérité, Cordelia ne put qu’être gêné d’avoir anéanti le fruit de tant d’années, et d’avoir envoyé ses parents en prison par son insouciance.

« Ahora te toca a ti. », lui avait dit un jour son oncle.

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Elle resserra le dossier contre sa poitrine. Oui, c’était à elle de reprendre le flambeau, de dénoncer tous ces travers, même si c’était de l’extérieur. Il fallait que les gens sachent. Cuba n’était pas ce paradis des touristes qui pensent pouvoir tromper leur femme en toute impunité. Cuba était une dictature. Une dictature qui oppressait la culture et qui taisait sa corruption et ses délits. Il fallait que les gens sachent.

Très consciente de ses responsabilités, Cordelia s’inscrivit à l’université pour faire des études de sociologie. Elle voulait davantage étudier ses propres origines, sous un autre angle, à travers un autre regard. Elle connaissait déjà le thème de son mémoire de dernière année. Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était récolter des informations afin d’être crédible.

C’est pour ces raisons qu’elle s’installa avec son oncle. Ils connurent certes des temps difficiles, à cause de leur nationalité et de leur pauvreté, mais avec acharnement, ils parvinrent à se faire une situation convenable. Cordelia devint d’ailleurs photographe à temps partiel pour le magasine LIFES, et désormais ce nouveaux départ s’annonce très prometteur…

Ce n’est pas toujours évident de se trouver un but dans la vie. Parfois, le but de quelqu’un est justement de se trouver un but. La plupart des gens errent dans la vie sans savoir où ils vont. Sans savoir où ils veulent aller. Mais ce n’est pas le cas de Cordelia. Pour elle, les choses sont très claires depuis que ses parents se sont fait arrêter sous ses yeux. Le cri de sa mère résonne encore dans ses oreilles.
Elle sait ce qu’elle doit faire.
De temps à temps, elle relit encore ces pages qu’elle a apprises par cœur et qu’elle garde bien secrètes, cachées sous une latte du plancher. Avec beaucoup de patience, elle attend d’avoir les connaissances suffisantes pour écrire un libre. Mais pas n’importe quel livre. Son œuvre sera une accusation, une révélation terrifiante des secrets les plus noirs de son pays d’origine, Cuba.
Est-elle mue par des raisons personnelles ou humanistes ? Sans doute les deux.. Car, si elle lutte pour la cause de ses compatriotes, c’est également pour la libération de ses parents qu’elle se donne tant de mal.
Mais réaliser une telle entreprise n’est pas sans risque. Car les grandes puissances n’aiment pas qu’un parasite vienne perturber leur tranquillité. De tels gouvernements autoritaires veulent tout contrôler, et en particulier ce qui est dit sur eux. Cordelia a ainsi dû fuir son pays à l’âge de 16 ans, mais encore aujourd’hui, elle redoute chaque coup frappé à sa porte, comme si le suivant serait un ordre d’arrestation à con encontre.

En tant que Cubaine fidèle à ses origines, Cordelia adore faire la fête. Excellente danseuse, elle rayonne toujours par son déhanché et son teint halé. Ce n’est d’ailleurs pas rare de la retrouver au night club du coin le samedi soir, et le contraire serait même plutôt étonné. Avec le rythme dans la peau qu’elle a, elle fait toujours perdre la tête à au moins un jeune homme de la salle.
À part cela, Cordelia est plutôt sportive. Footing, natation, c’est une jeune fille qui entretient son corps et son mental, car comme dit ce vieux dicton latin, mens sana in corpo sano.
Professionnellement parlant, Cordelia est inscrite à l’université, plus précisément en dernière année de sociologie. Parallèlement à ses études, elle travaille en tant que photographe pour un célèbre journal de mode. D’ailleurs, si avant cette expérience elle s’habillait avec les premiers vêtements qui lui passaient sous la main, elle a désormais acquis un goût exquis en matière vestimentaire, et le shopping est devenu une de ses activités récurrentes. Mais attention, n’allez pas croire qu’elle s’habille avec de grandes marques. Ce qu’elle aime par-dessus tout, ce sont ses friperies dénigrées par les grandes icones de la mode dans lesquelles on trouve pourtant de véritable trésor pour une modique somme si on sait chercher correctement.

Tout le monde connaît le type Latino ; sulfureuse, peau mate, lèvres charnues et regard expressif, courbes attrayantes et sourire provocateur. Je pense que l’on pourrait décrire Cordelia de cette façon. Cela va sans dire, elle a un corps de rêve, avec des formes là où il en faut, mais tout dans la proportion. Ses grands yeux noisette sont les miroirs de son âme, toujours pétillants, toujours pleins d’énergie, rieurs sans être moqueurs. Ces longs cils épais dessinent des ombres qui dansent sur ses pommettes, et son nez arrondi lui donne un air adorable. Quant à ses lèvres… Combien d’hommes ont rêvé de pouvoir les embrasser un jour ? Toujours étirées en un sourire anodin, elles laissent libre cours à l’imagination de chacun, les laissent interpréter cette invitation comme bon leur semble.
En somme, je pense que cela ne sert à rien de la décrire. Il suffit de la regarder. Son expression facile parle d’elle-même, dans ce langage mystérieux des femmes que tout le monde n’est pas à même de décrypter mais que chacun essaie pouvoir un jour déchiffrer.

Cordelia est de ses filles toujours de bonne humeur. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle n’est pas aussi extravertie que ces filles dans les feuilletons latinos. Dans ce pays qu’est l’Amérique, elle est consciente de ne pas être chez elle. Elle sait qu’elle ne fait pas partie de ces habitants qui ne savent pas rouler les « r » et qui fêtent leurs 16 ans en recevant une voiture de luxe. Elle ne fait pas partie de ce monde. Et, bien qu’elle fasse des efforts pour surmonter cette barrière, elle a souvent du mal à accepter les autres comme ils sont, et par conséquent à se faire accepter comme elle est. En effet, sa mentalité n’a rien à voir avec les principes étriqués de ce pays pourtant libéral. Tous ses soucis que les gens s’inventent, ces histoires que font les filles, ces coups bas, ces mensonges, ces disputes sans queue ni tête, elle n’y comprend rien. Pour elle, tout ça n’a aucune importance. Il faut profiter de la vie, oublier ses différends et rire plutôt que pleurer. Parfois les gens la pensent insensible parce qu’elle se relève de tout la tête haute et ne semble pas affectée par les évènements. Mais ils se trompent. Cordelia a un grand cœur, empli de tristesse et de martyre. Simplement elle ne le montre pas, parce que la vie est trop courte pour s’apitoyer. Alors elle va de l’avant, et pour se faire, elle doit être forte et mettre de côté ses sentiments. Du moins, faire semblant.