J’ai le physique de l’emploi ! Grand de taille , j’avoisine de ma carrure robuste et musclée , les hauteurs des volcans hawaïens . Mes cheveux sont souvent ébouriffés , comme si les alizées de l’archipel ne cessaient de jouer avec eux , mèche par mèche , en dévoilant les plus beaux éclats chocolatés. Mon regard , un atout. Deux grandes perles perçantes , aussi vives et légères que les cieux et les océans de mon île. Dedans on y voit les miracles du monde , les vagues et les écumes de la fougue , mais aussi , les pires tempêtes ; celles du regret , de la tristesse et de la colère. Je suis quelqu’un plein de colère ; mon teint l’exprime souvent , ainsi que les veines creusant de temps en temps ma nuque droite comme les mats des bateaux . Mon sourire est un soleil à lui seul ; il éclaire mon visage ovale , mon nez est droit , de bonne proportion. Tout est de bonne proportion chez moi de toute façon et ce ne sont pas les femmes qui diront le contraire. Palper le muscle saillant d’un homme est une de leurs lubies premières ! Les heures d’exercice, de surf et de sport extrême font qu’avec mon goût prononcé pour l’aventure , je me dois d’être dans une forme olympique irréprochable. Mes lèvres , elles sont l’ouverture vers un monde de douceur ; fines et rouges , elles cachent des dents d’un blanc immaculé. Beau , je le suis et j'en suis fier ; doux mélange entre l'Amérique et les îles chaudes du Pacifique , oui je suis mêtisse ! Mais ce n’est pas la beauté qui fait les choses et ça , je l’ai appris avec les années..

Courageux . On m’a toujours vu ainsi ; comme quelqu’un avec une grande bravoure et un sens froid hors nom. C’est ce qui sans doute , m’a permis de tenir en Afghanistan et à résister à toutes les épreuves que j’ai traversées . Je n’ai jamais eu peur de l’inconnu , au contraire , j’ai toujours été un grand fonceur. Cela est plus vu comme un défaut , mais personnellement , je trouve qu’au contraire il s’agit d’une précieuse qualité car à chaque fois face à l’adversité , je n’ai jamais baissé les bras et preuve en est , tout m’a réussi. La force mentale est aussi une de mes qualités : je suis résistant , les tortures , ça ne m’effraie pas ! La force physique est aussi un atout qui ne fait qu’accroitre cette confiance que j’ai en moi. Un défaut par contre ? Je dirai mon tempérament ; je suis très sanguin , je perds vite mon calme et je m’énerve rapidement même pour un rien. J’ai une personnalité de flic type : brave , en quête de reconnaissance , loyal. Oui , la loyauté , un atout chez moi. Je suis quelqu’un de confiance , à qui on peut se confier et à qui on peut parler librement , par contre , il ne faut pas me trahir ou me chercher car je deviens vite incontrôlable et impitoyable. Je suis un grand rancunier aussi..Et avec toutes les choses m’étant arrivées , je n’accorde pas ma confiance à n’importe qui. J’ai aussi horreur des menteurs , même si je suis obligé de jouer le rôle pour assouvir ma vengeance. Oui je suis un genre de super héros , c’est vrai !

Né sous une bonne étoile, j’ai grandi dans le luxe et l’opulence des plus belles demeures de la côte hawaiienne. Je n’ai jamais eu à pleurer lorsque j’avais besoin de quelque chose ou à faire mon capricieux , car mon père , l’Homme de la Maison , me couvrait de cadeaux . Ma mère était une très belle femme ; je lui ressemble assez pour ça. Ses yeux reflétaient la jeunesse éternelle et son exotisme avait fait tomber plus d’un , dont mon père. Il avait toujours aimé la voir danser avec les vagues , une fleur dans les cheveux ; on aurait dit une belle vahiné . Surfeuse et mannequin , elle avait troqué ces tenues de femme active pour celle d’une mère aimante et affectueuse car elle , ce n’était pas des cadeaux qu’elle m’offrait , mais c’était toute sa tendresse. Hawaii quelle belle île ! J’y ai fait mes premiers pas , j’ai respiré son air pur , j’ai vécu dans sa tradition avec les airs de Gabby Pahinui et dans sa spiritualité en croyant sincèrement aux rites du Ho'oponopono avec au final , une offrande sacrée portant les couleurs et la fraicheur du délicieux Lei qui nous permettraient à jamais d’être soudés . J’ai vu cette île grandir en même temps que moi et au fil des centimètres , nous devenions l’un et l’autre , d’une beauté incroyable . Mon enfance fut accompagnée par le souffle des océans , le murmure des vagues venant à s’échouer sur le sable fin et les râles du Mauna Kea à quelques mètres de chez moi . Je m’y suis toujours senti chez moi , sur ma terre , mon paradis. Lorsque j’avais huit ans , mon père m’amenait me promener en pleine forêt , à écouter le chant des oiseaux qui sautaient gracieusement d’arbre en arbre en poussant des cris qui emplissaient nos cœurs et nos oreilles des plus grandes joies. La faune et la flore étaient d’une beauté rare sur cette île et je me souviens même que nous aimions revenir de nos ballades sur les hauteurs verdoyantes de Kauai non loin de la côte de Na Pali où mon père avait bâti notre maison de vacances – oui nous avions plusieurs maisons dans tout l’archipel ! - avec des ibiscus et des lilas colorés pour les offrir à ma mère qui aimait s’en coiffer ou en faire de beaux colliers parfumés. Les soirs , nous nous rendions sur la plage pour écouter les hommes mêler leurs rires et leurs voix dans des chants traditionnels tandis que les femmes aux longs cheveux et aux grands yeux luisant , dansaient le hula avec la grâce des papilions. L'eau était toujours chaude ; il faisait bon de s'y baigner , on se sentait revivre ensuite . La surface des océans était faite de perles , d'azur , d'or et de rêves..Mon Hawaii , mon île , mon paradis . En y repensant , j’en ai un peu mal au cœur car je rêve encore de fouler de mes pieds , cet Eden. Mais la chose est impossible car mon paradis terrestre demeure souillé par le passé et le sang des innocents tués par mon père. Ma mère la première ..A dix ans mon rêve tombe dans l’eau trouble du Pacifique . Quelle déception!

La vie n’est jamais simple ; c’était une chose que mon père se plaisait à répéter en claquant des doigts avec un certain rythme. Je me souviendrai toujours de son sourire huileux aussi , mais quel homme ! Ma mère m’avait toujours confié son admiration à son encontre ‘J’aimerai que tu deviennes un homme aussi bien que ton père , aussi fort. Et je vous en passe !’ A vrai dire , au fond j’avais cru à cela. J’avais aussi voulu devenir un grand homme , faire l’Histoire comme lui la construisait sans cesse sur notre île, son territoire dont il était le maître absolu. Car oui , bizarrement , il était quelqu’un de redoutable sur l’île. Je me souviendrai toujours de ce jeudi de mars ; il faisait très chaud , le ciel était couvert de poussière d’or émanant des hautes citées nuageuses lorsque brusquement , on était venu cueillir mon père à l’entrée. Deux hommes en costume cravate , très chics et très effrayants. Je n’avais que neuf ans et pourtant je sentais la tension palpable entre eux ; le visage de mon père m’était si parlant à cet instant que j’en eus la nausée pendant deux jours. Je ne l’avais jamais vu si cruel et si convaincu de ses projets..Mais quels étaient-ils ? [..]Un an plus tard , au mois de Septembre , lorsque le ciel se parait de grisailles et de malheur , on avait appelé mon père et j’avais tout entendu « Monsieur Cavanaugh , votre femme..est morte. Toutes mes condoléances Monsieur. » Une larme perla sur sa joue , puis une autre mais il resta humble et fort , comme s’il avait su depuis longtemps que les choses allaient se passer ainsi. De mon côté , à dix ans , j’avais beau me penser invincible comme les super héros , je n’en demeurai pas moins un petit bout de bonhomme plein de sensibilité . Lorsqu’il m’expliqua schématiquement que ma Mère était au ciel avec les ancêtres et qu’elle y reposait en paix , je m’étais époumoné et j’avais sauté dans tous les sens en déchirant les rideaux en toile de lin , en cassant mes jouets et le vase précieux en porcelaine chinoise. Pendant une semaine j’avais pleuré . J’en avais eu les yeux rouges. Les funérailles ne furent pas un moment appréciable également ; je ne comprenais rien à ce qui m’entourait. Des hommes en noir , le visage creux , les yeux rougis venant saluer dignement mon père et moi-même. Des poignées de main , des accolades larmoyantes et des douces intentions. Je me souviens encore du cercueil de ma mère ; les hommes en blanc l’ayant déposé avaient préféré ne pas l’ouvrir car visiblement les dégâts étaient considérables , effrayants ! Je déposai une gerbe de fleurs , des roses blanches comme elle les avait toujours aimées au pied du cercueil et mon grand oncle Kaipo le silencieux avait pour une fois exprimé sa peine par le prisme d’une ode à cette femme qui nous avait quitté. « Olina , belle femme , belle mère , belle fille des eaux , que les ancêtres portent ton âme vers les cieux , qu’elle approche le soleil et qu’elle veille sur nos fils et nos filles , sur nos terre , qu’elle couve notre bonheur. » Repose en paix. Symboliquement , le vent s’était levé comme pour accompagner l’âme de ma mère vers un ailleurs resplendissant. Les pétales de rose rouge , jaune , blanches , orangées , ainsi que les délias , les ibiscus et les fleurs trouvées sur la mangrove dansaient dans les airs créant ainsi un tourbillon d’une vivacité éclatante. Les voix rauque des hommes guidaient ce passage funeste.. Les dernières larmes furent séchées alors que je sentais que bientôt les choses allaient se compliquer.. Maintenant parfois encore , je sens que ma mère est toujours là , à me protéger et à me surveiller..Peut-être est-ce folie ? Mais si c’est folie , et bien , j’aime être fou.

La perte tragique de ma mère avait fait qu’ensuite les choses s’étaient précipitées ; mon père était devenu un homme froid , renfermé et jaune comme un coing. Ce n’était plus le personnage frivole qui se plaisait à animer les banquets de sa lourde voix. Ma mère n’était plus là et nous devions nous rendre à l’évidence. La résidence empestait le renfermé et la mort mêlée au souvenir ne cessaient de nous jouer des tours. Je voyais ma mère , toujours comme si jamais elle n’était partie ; elle me semblait plus sereine , plus souriante , plus belle . Ses yeux en amande et en perles riaient au nom du bonheur à chaque fois qu’elle venait me border le soir. J’aimais quand son parfum ; aussi fort et tonifiant que les océans sur lesquels elle dansait avec une grâce sublime , ses cheveux bruns me caressaient les joues avant que je ne trouve le sommeil . Ce rituel fantastique s’opérait à la nuit tombée. C’était bizarre et rassurant à la fois ! J’avais treize ans. Le six juin , nous voilà prenant l’avion vers un endroit dont je ne reconnaîtrai que plus tard la beauté superficielle. Los Angeles avec ses plages , ses filles , son soleil. Plus les années passent et plus je commence à m’attacher à ce continent et à ses gens , sauf qu’évidemment , demeure cette once de nostalgie. Je regrette le passé , Hawaï. Je n’ai plus ces visions ; ma mère est morte , j’ai fait mon deuil . Mon père est plus présent dans ma vie ; il m’aide à apprécier le monde , à le comprendre. Un homme bon et respectable , voilà ce qu’il veut que je sois. Petit à petit , entre les cours , je me forge une passion pour les grandeurs. Je rêve de devenir policier , de faire régner l’Ordre et d’imposer une Justice équitable pour tous. La mort assez énigmatique est peut-être le facteur décisif de cette envie soudaine ..Mais pas que. Je regardai souvent les séries policières ; les flics me paraissaient des gens droits , honorables. Je voulais être utiles comme eux aussi, faire régner le bien. J’entrepris alors de m’impliquer un peu plus dans mon quartier déjà ; c’était un début plutôt prometteur car depuis quelques jours déjà , il y avait eu du remue-ménage dans les parages , et ça me permettait de me mettre directement dans le bain de ce métier que je rêvai d’exercer. Mon père était fier de moi , je le voyais dans ses yeux , dans ses gestes car il aimait toujours ébouriffer mes cheveux en m’appelant ‘Mon grand garçon’ de sa voix si vive en émotion. J’aidai les pères à surveiller le quartier une fois la nuit tomber , je donnai un coup de main aux jeunes en difficultés , j’avais même fait un stage dans une boîte de surveillance pour en apprendre plus sur le métier. Los Angeles et son grand pont , ses belles maisons , ses gens célèbres ; je voulais aussi être sur l’affiche , vu comme un héros , car dans le fond , je savais que j’avais toujours été différent.

Mes débuts de carrière sont marqués par mon entrée à l’armée. Envoyés en contingent , nous sommes une petite trentaine sur les rangs à assurer l’ordre là où les libertés humaines sont souillées ; l’Afghanistan. Les embrassades avec mon père furent touchantes , tellement que j’en eus la larme à l’œil en embarquant à quai. Le ferry devait encore fait le tour du continent avant de nous déposer à l’aéroport ; c’était tout un montage symbolique pour que notre cher président profite de la vue en se montrant comme honoré de voir que ses fidèles de la populace prendraient la mer avec tristesse pour combattre ‘L’Axe du Mal’ sur terre inconnue. Bush l’avait même dit dans ses discours en nous voyant comme des croisés saints qui iraient prêcher la bonne parole aux peuplades peu civilisées. Foutu ethnocentrisme ! Foutaise ! Mais , bon , j’acceptai car j’avais besoin de quelques mois dans l’armée pour entrer dans la Police ensuite. C’était un genre de petit plus , de bonus sur le CV ! L’Afghanistan , ses peuples , son désert , son soleil de plomb ; je me serais cru en pleine apocalypse . C’était chaotique , rien. Le vide sidéral et tous les matins , c’était avec la peur aux ventres que les jeunes de ma division , sous ma tutelle entraient en guerre avec les ennemis. Les talibans ! Cette guerre me semblait interminable ; de jour en jour , nous étions épuisés et las de ce spectacle désolant se jouant sous nos yeux impuissants. Souffrance terrible. J’avais été blessé à maintes reprises tant les balles ennemies avaient plu dans notre zone. La coalition perdait des hommes à vue d’œil. Le manque de la terre et des proches nous rappelait à l’ordre tous les soirs lorsque nous nous couchions à même le sol , dans la poussière et les restes en putréfaction. L’enfer , le vrai , le terrible. Fort heureusement , ma division fut remise à quai le sept avril ; nous quittions les plaies embrassées et mourantes pour notre douce Amérique. Los Angeles , j’étais enfin de retour..et prêt à m’engager à la Police. La guerre m’avait marqué mais je voulais me tenir jusqu’au bout à mes aspirations. C’était ce pour quoi je m’étais lancé dans une telle entreprise.

De retour des enfers , je vivais cette résurrection plutôt bien car entre temps , mon influent paternel avait trouvé ami en la personne du chef de la Police du compté. Monsieur Matthews. Un homme bond , très loyal et pointilleux. Ce dont je me souviens de lui était sa poigne ; très ferme , très forte. On sent l’homme derrière ça ! Alors que je faisais mon entrée dans le service , on me reléguait les tâches assez ingrates. Les petites affaires miteuses . Pas de grand frisson. Servir les cafés aussi. J’étais le bleu. On ne parlait que peu de moi dans les couloirs , juste pour dire en chuchotant que j’étais revenu indemne de mon séjour des Enfers..Rien de plus , rien de moins. Un jour , Monsieur Matthews était venu me voir , quel personnage ! Avec ses mimiques touchantes , il m’avait passé un dossier. Quelque chose d’important et avait espéré que j’y jette un coup d’œil pour lui apporter mon aide et mon expérience du terrain. Ce fut ainsi que petit à petit , je brûlai les étapes. De bleu je devenais agent de terrain et d’agent de terrain je passais à sous officier. Les grades et les décorations ne se comptaient plus mais je restai évidemment aux ordres du chef Matthews. Obéissant , j’étais sa préférence. Il aimait mon travail toujours impeccable , pas de faute . Parfait me disait-il même avec une tape dans le dos. Mon père et lui étaient très amis ce qui nous valaient aussi le fait de passer un bon nombre de dimanches après-midi chez eux. Entre deux bouchées de tarte aux fraises –Madame Matthews les faisait si bien - , Monsieur Matthews et mon père parlaient de mon travail de qualité. Bientôt , j’allais pouvoir aller sur le terrain ,pour de bon et résoudre ma première enquête. J’étais très pressé . Enfin un peu de reconnaissance ! Petit à petit , le trio que nous formions se rompit pour céder place à d’autres visages ; je découvrais Julian , le fils des Matthews. Un gars bien , très drôle. Nous étions complices , et aussi, il y avait la petite Emma. Plus jeune que moi. Je ne m’étais pas assez intéressé à elle..Je préférai les bavardages amusés de son père sur les enquêtes ..Ca , ça m’excitait !

A force de rendre visite aux Matthews, je voyais bien que leur fille Emma n’était pas insensible à mon charme. Une sorte de jeu s’opérait entre nous et dans l’affaire , j’avoue m’être fait dupé comme un bleu ! Je voyais en elle plus une sœur qu’autre chose. Je préférai les filles de mon âge , plus mûres et terre à terre et pas les jeunes filles en fleur. Un jour , après le déjeuner , elle m’avait demandé de jeter un coup d’œil à sa robe pour son bal de promo. Réticent au début , je me résolus à la suivre. Enfermés dans sa chambre , elle commença petit à petit à se dandiner devant moi avec pour seule tenue , une faible toile pleine de dentelles. Gêné , je regardai le plafond ; je n’avais pas remarqué à quel point il était pas mal , belle structure ! La jeune fille , aux formes déjà prometteuses , s’était retournée vers moi et m’avait demandé de l’aider à boucler la fermeture de sa robe à l’arrière. Mes doigts se posèrent délicatement sur sa peau ; un frison me dévora tout entier. Soyeuse et parfumée , sa peau m’inspirait la douceur d’un enfant à peine né , et le charme d’une femme expérimentée. La jolie Emma elle était un peu de ça aussi. Une enfant excitée et une jeune femme charmeuse. Je ne sais pas ce qui me prit , ce qui lui prit non plus. Du haut de ses seize/ dix ans , elle m’embrassa . Un baiser que je lui rendis, mais là n’était pas le genre de baiser tout timide ; non c’était quelque chose de fort et passionné qui m’était resté gravé en tête durant toutes ses années. […]Au fur et à mesure , j’avais beau l’éloigner de moi , elle revenait à la charge plus déterminée que jamais. Son père épiait nos faits et gestes ; du moins c’était ainsi que je l’interprétai. Son rêve était de voir sa fille au bras d’un gars comme moi ; un bon garçon disait-il avec un sourire tendre. Provocatrice , Emma faisait tout pour me plaire , raviver cette flamme du premier baiser ..Ce frisson. A force , elle m’eut ! Ne résistant plus à ses appels , j’aimais même plus l’exciter pour qu’elle me soit complètement soumise. Je fus son premier petit ami ; celui dont elle aimait parler en gardant le mystère sur mon identité car si son père l’apprenait..j’étais lynché et jeté aux loups comme un sale type , pervers et vicieux. Je fus aussi le premier garçon à qui elle s’offrit .. C’était le bonheur que je sentais pour une fois frapper à ma porte , ça faisait du bien , enfin je me sentais heureux , plein de joie , de vie..Mais bien vite , tout ce bonheur me fut dérobé ..C’était horrible..

Le père Matthews avait beau se cacher derrière un masque de douceur , il n’en demeurait pas moins un homme redoutable et influent. Ma réputation était entachée ; Emma n’avait rien dit pour me défendre , pour me retenir. Je lui en voulais. A l’aurore , j’avais pris le ferry et j’étais parti à l’aéroport le plus proche. J’avais besoin de retourner chez moi ; mon père m’y attendait depuis deux moins maintenant , c’était même lui qui m’avait conseillé de revenir en apprenant toute cette histoire . Le soleil colorait le ciel de ses vives lueurs roses et orangées ; je sentais le vent froid me caresser le visage lorsque je posai enfin mes pieds sur la terre ferme. Hawaï. C’était comme si je ressuscitai..Je revivais…Petit à petit je retrouvai ma vie d’avant avec ses habitudes , ses petits bonheurs ; le surf tôt le matin sous le soleil safrané , les promenades dans les hauteurs en fin de journée et les virées nocturnes le long de la plage à écouter seul ma solitude me parler au gré des vagues et de la brise marine. Je redevins ce jeune homme insouciant, immature , arrogant . Celui qui faisait défaut aux grandes fêtes mondaines , celui à qui ne voulait rien dire tant il était insupportable. Un été , alors que je rentrai d’une soirée arrosée , je retrouvai mon père dans le salon à discuter avec deux hommes plutôt louches. L’un avait au cou un tatouage représentant un requin , l’autre avait des traces de morsures gravées sur les avant-bras , avec des brûlures..Ce n’était pas les moustiques ! « Salut fils , ton plat est au four. Tu peux le réchauffer seul ? » , « Euh ouais..Merci ! » , avais-je répondu en me dépêchant de m’enfermer dans la cuisine. Mes années à l’armée et à la police m’avaient appris à savoir lorsque l’on se retrouve face à un criminel et ces deux mecs en étaient ! Le lendemain , je me fis insistant auprès de mon père , mais il me révéla rien ; deux collègues..Menteur ! Le mensonge quelle belle invention. Un peu plus tard , le même jour j’avais entrepris des recherches pour trouver la vérité..Ces deux voyous faisaient partie d’un réseau appelé les Sharks . Visiblement il s’agissait d’un réseau mafieux qui étendait ses tentacules partout sur le globe.. Avec cette trouvaille , je me dis que je n’allais pas en rester là ; je découvrais de plus en plus de choses sur les Sharks. Les requins semaient le trouble et la peur dans les esprits. Ils tuaient , violaient , brûlaient , démembraient les gens..C’était horrible. Les images que j’eus l’occasion de voir hantèrent beaucoup de mes nuits ; qu’est-ce que mon père avait avoir avec eux ? Me cachait-il quelque chose ? Des potes de la criminelle m’aidèrent dans mes recherches ; et si mon père était noyé dans leur business frauduleux ?

L’étau se resserrait ; mes amis du cinq zéro me donnaient les filons de certaines enquêtes menées sur les Sharks. Intiment convaincu par la culpabilité de mon père , je décidai de fouiller dans ses affaires pour trouver des réponses à mes questions. C’était par une nuit de juillet ; il n’était pas à la maison , sans doute était-il entrain de tuer des gens et de terroriser des familles. Le cruel ! Perché par-dessus le tiroir de son bureau en bois de chine , je m’empressai de lire tous les documents y étant cachés : article sur ma mère et ses prouesses , paperasses , factures..Là je tombai sur un article qui développait point par point le cas de ma mère ; mort mystérieuse , le cadavre n’avait jamais été retrouvé..Comment cela était-il possible ? J’ai toujours cru qu’elle était morte .. et enterrée. La nouvelle fit l’effet d’une bombe et je m’écrasai lourdement au sol avec cet article en main. Pourquoi mon père m’avait-il menti à ce sujet ? L’avait-il tuée ?? Impossible ! Ce devaient être ces Sharks qui l’avaient abattue car peut-être mon père leur devait de l’argent ? Ou un service ? Confus , je refermai le tiroir et grimpai dans ma chambre. Un ami sur LA m’envoie des détails supplémentaires sur les Sharks ; j’étais décidé à m’introduire dans leur vie , à découvrir leur chef et à le tuer car j’étais sûr qu’il tenait en joue mon père et qu’il avait tué ma mère. Ce réseau de mafieux hawaïen allait crever ! Je n’avais peur de personne , et encore moins lorsque la colère me contrôlait comme un volcan en effusion. Petit à petit , on m’accepta. Je devins un des leurs ; je dealai de la dope non loin du quartier . Je me faisais apprécier par la bande . J’étais pote avec certains d’eux..Un soir , après un an de filature , j’avais demandé à voir le patron. On m’avait conduit jusqu’à lui. L’homme était de dos mais entre mille j’aurais pu reconnaître cette silhouette ; ces grandes épaules , cet air désinvolte ..Maladroit , effrayant. Mon père ! Il se retourna et me rit au nez : « Tu as enfin tout découvert ! Je savais que tu étais brillant fils. Maintenant , je sais que je peux compter sur toi pour la relève ! » dit-il avec un sourire huileux. « Mieux vaut tard que jamais , répondis-je . Pourquoi as-tu tué Maman ? » ; « Elle devenait trop distante..Elle voulait partir avec toi pour vivre loin de moi. Elle voulait que nous divorcions pour que jamais tu n’aies affaire à mon entreprise. Je ne pouvais pas la laisser faire plus longtemps , je l’ai fait tuée. » Je ne pus m’empêcher de me sentir affreusement mal : mon monde n’était donc qu’une vaste illusion ? Une île flamboyant d’artifices et de mensonges ? Arme en main , je ne tardai pas à la diriger en direction de mon père qui ricanait. Il me vit faire et m’arrêta. Une lutte sans merci se joua entre nous ; deux adversaires , le père et le fils. Qui sera sacré vainqueur à l’issue de ce combat ultime ? Je le rouai de coups , mais lui non plus ne se gênait pas pour me faire souffrir. Un filet de sang colorait mes lèvres . Je lui hurlai toute ma colère en l’insultant. Il tomba au sol et là sans hésiter , je tirai une balle entre ses deux yeux. Il succomba aussitôt..J’étais soulagé. Prenant mes jambes à mon cou j’embarquai dès le lendemain le premier ferry ; « Le chef des Sharks Elliott Paul Cavanaugh a été retrouvé mort à son domicile criblé de balles. L’assassin court toujours », titraient les tabloïdes le lendemain matin alors qu’à l’aube , j’étais à bord du bateau. Les Sharks d’Hawaï me connaissaient ..Je devais fuir. Au milieu de l’océan , je jetai quelques lilas blancs à l’eau en hommage à ma mère..Pauvre femme , morte pour m’avoir protégé et tant aimé.

La fin , enfin. Est-ce vraiment cela ? Comme disait Nekrassov « Coeur las de haïr, n'apprendra jamais à aimer. » . C’est bien vrai, je suis encore plein de haine..Toujours plus. Cela m’a inscité à reprendre du service ; je bosse chez les Infiltrés. Nous sommes une équipe bien soudée , avec des règles strictes . Notre but , faire tomber les Sharks et pour cela , on bosse même avec des avocats ; mon binôme est avec un , un anglais, Jude Jared Kennedy. C’est un bon gars , j’ai beaucoup d’amitié pour lui ! On s’entend bien ! Infiltré chez les Sharks de LA depuis peu , je traque leurs moindres faits et gestes comme si cela ne m’avait pas suffit de démonter la mafia hawaïenne gérée par mon père. Paix à son âme ! Le salaud ! Maintenant , je mène une vie encore plus forte que celle d’avant ; personnellement , rien . Je vis seul dans un appart miteux à Neptune. Je ne fais que travailler pour tout oublier. Je reste un solitaire ..Après toutes ces épreuves , je ne me sens pas aussi bien que le lendemain où j’avais tué mon père..Le meurtrier de ma mère. Je me las , vide . Peut-être que ce n’est que le début ? J’ai découvert des choses , j’ai des dossiers sur les Sharks ; je sais par exemple que le protégé de Jude est un ripoux. Thomas Emrys Preasley , il finira comme mon père s’il continue à jouer avec le feu..Mais lui aussi sait qui je suis ; cette double apparence , ce masque que je porte. Jeu dangereux ? C’est la seule chose qui met de l’action dans ma vie. Je ne peux pas m’en priver , je suis un agité !

Ma plus crainte dans la vie est de perdre la raison , ce qui me rattache encore à la vie en fait, car au final j’ai tout perdu. Ma mère dans des circonstances pour le moins mystérieuses , mon père abattu de sang froid par moi-même ..Ma vie , mon Hawaï. Là-bas , je ne suis plus le bienvenu. Les Sharks d’Hawaï savent qui a tué Elliot Paul Cavanaugh.. Et puis je ne me sens plus vraiment à mon aise , peut être encore sur les hauteurs des vertes forêts , là où le silence s’impose en maître mais ..maintenant , cela a-t-il vraiment une grande importance ? Je ne pense pas.
Rentrer à LA est aussi une grande peur. Je ne peux pas retrouver les visages figés dans la peur des hommes et femmes qui m’avaient vu comme l’espèce de pervers qui sautait la fille du lieutenant ! Ce n’était pas parce qu’elle était encore mineure que je ne ressentais rien pour elle..Mais elle par contre , je lui en veux. Elle m’a laissé lâchement me faire lyncher par les uns , cracher dessus par les autres. Y repensant m’effraie vraiment. Seront-ils aussi durs avec moi ? La chose est sûre , je ne retourne pas vers San Francisco , je vais plus sur la côte de LA..
Autre frayeur , mais plus du genre frayeur agréable ; mon rôle d’infiltré au sein des Sharks. Un peu d’adrénaline à chaque fois que je vais me frotter dangereusement à eux. Je sais quel est mon sort s’ils apprennent qui je suis , ce que je fais ..Contre eux. Je ne pense pas qu’ils seront plus indulgents avec moi parce que mon père est Elliot. Au contraire. Mon but est de me venger vraiment ; comme je l’avais fait à Honolulu en plantant mon père en plein entre les yeux. Pan ! Je veux les foutre tous en taule , car ce sont des salauds et que je les déteste. Ils m’ont volé ma mère , ils m’ont volé ma vie..J’étais bien à Hawaï. Je rêverai d’y retourner , de tout reprendre à zéro. Le mini bar sur la place , les soirées endiablées , le surf , la solitude. C’est ce à quoi j’aspire dans la vie ; la tranquillité , le calme. Oublier le mal. Le passé. Mais je sais que c’est impossible..

Passe temps ? Hobbies ? Je dirai qu’avant j’en avais à revendre. Le surf , mais ça , je l’ai encore ; oui les côtes californiennes avec leurs grandes vagues me rendent un brin cette liberté que j’avais laissée sur l’archipel. J’ai toujours aimé le surf , c’est dans mes gênes ; ma mère était la plus grande surfeuse de sa génération. Ensuite , je dirai que j’aime le sport. Toujours autant. Sauf que je n’ai plus le temps pour sauter en parachute ou faire des treks dans les hauteurs verdoyantes de mon coin de paradis. A LA , je n’ai pas trop tâté le terrain. Je me rends fréquemment dans un club de sport , pour me défouler , faire un peu d’exercice , vider ma tête. Ca marche souvent ! Ensuite , je suis plutôt un gars dynamique ; je ne tiens pas en place . Je ne peux pas rester enfermer chez moi ; je dois toujours être dehors , même si ce n’est pour rien faire. Marcher , courir , aller en voiture sur les longues et désertiques routes du continent , j’aime. C’est une agréable sensation de liberté , comme si tu n’étais rattaché à rien ni à personne. Comme si on s’en fichait un peu de toi ; j’aime bien cela. Je suis du genre discret , c’est pour ça aussi que la solitude m’emplit d’un bonheur sans nom. Agile , je m’applique aussi ; j’aime mon métier. Ma plus belle et plus grande passion. Faire des filatures , enquêter. Tout ça , cette ambiance de tension irréversible , cette crainte perpétuelle d’être démasqué , ça , ça fait peur ! Ca fait du bien ! J’adore ! Mon boulot est une de mes plus belles réussites et pour rien au monde je le changerai. J’aime porter une arme : je suis un excellent tireur , j’étais même sniper dans l’armée.. Maintenant , je vis de ma passion , et même si je sais qu’à chaque fois que je croise le regard d’un des gars que je piste , il y a une épée de Damoclès pendant au dessus de ma tête , je ne peux m’empêcher d’aimer davantage ce que je fais. Car je sais que je n’ai rien à perdre ; homme seul , mourra seul..C’est connu mais en héros au moins !